Que représente le festival des Arcs? Un cadre montagnard spectaculaire, une programmation variée, une atmosphère décontractée, et une énergie apparemment inépuisable depuis maintenant 41 ans. Mais Les Arcs, ce n’est pas seulement un festival, c’est aussi une académie. Les objectifs d’apprentissage et de performance se superposent et se complètent donc. On réunit ainsi autour de cent-soixante étudiants qui répètent, travaillent, partagent pupitres et partitions pendant dix jours intensifs, avant de se représenter côte-à-côte avec les invités, professeurs et jeunes talents; à l’aise, égaux. Le concert de clôture est donc une manière d'avoir un bon aperçu à la fois du festival, et des progrès des étudiants de l’académie.
Les résultats sont surprenants: les apprentis et les connaisseurs, les novices et les endurcis se côtoient, partageant la scène pour présenter une programmation inattendue. Ainsi, si les générations se mélangent, les styles et les époques aussi. Le programme va donc de Mozart et Strauss à Copland et Rodrigo, en passant par Matalon. C’est léger; c’est charmant. On se ballade musicalement entre l’Allemagne, l’Argentine, l’Autriche, les Etats-Unis et l’Espagne. C’est une des thématiques majeures du festival, cette idée de tout mêler: le Romantique au contemporain, le classique au moderne, le vocal à l’orchestral à l’électroacoustique. Cette ouverture d’esprit est à la fois radicale dans l’idée et très accessible dans l’application.
Le concert ouvre avec Till Eulenspiegel, le poème symphonique de Richard Strauss. Nouveaux anciens élèves côtoient professeurs coutumiers de l'exercice, et livrent une belle interprétation, parfaitement maîtrisée. Après cette mise-en-bouche classique, le public assiste à un changement de ton complet. Une des grandes thématiques du festival des Arcs, c’est l’ouverture au contemporain. Cette année, c’est le compositeur argentin Martin Matalon qui est en résidence. On assiste donc à une création mondiale: Traces X pour accordéon, commandée par le festival.
Tour à tour immense et inquiétant ou délicat, transformé d’échos et de bruissements, le son de Traces X nous emmène en voyage. L’acoustique se mêle à l’électronique, rendus inséparables, indifférenciables. Le son vole autour de la pièce, ou s'éternise en échos après que la note d’origine ait disparu. Sous les mains du talentueux Bruno Maurice, son visage transformé d’émotion, l’instrument se transfigure. L’accordéoniste caresse l’accordéon, il le secoue, il le tapote du côté de sa main. A la fois doux et grinçant, le son lisse de l’accordéon est pulvérisé, méconnaissable. L’oeuvre est impressionnante. Et pourtant: "C’est accessible", me murmure ma voisine. "On garde le contact avec l’instrument."