Qu’il est difficile de commencer un concert avec une pièce comme l’Adagio pour cordes de Barber ! Surtout lorsque la salle attend avec impatience la déferlante annoncée en la personne de Denis Matsuev. Cette œuvre de Barber est un véritable tube de la musique classique, ce qui rend l’exercice d’autant plus compliqué. On ne peut pas reprocher à l’Orchestre National de Lyon de ne pas jouer sur la fluidité et la continuité du discours, notamment dans le souffle et les silences qui ont une véritable importance dans cette musique. Alors que les coups d'archet sont censés favoriser l'échange entre les pupitres et permettre que la musique file sans accroc, ils ne sont pas ici uniformisés, à l'inverse de la plupart des pièces d'orchestre. Et pourtant, les accords à l’unisson sont d’une magnifique pureté. Un grand crescendo, puis le thème revient et disparaît comme il est arrivé, sans qu’on s’en aperçoive réellement.
Après quelques changements de plateau, nous sortons du rêve. Déjà l’entrée en scène de Denis Matsuev est pleine d’énergie et de conviction : le contraste avec l’atmosphère première est flagrant. Le Concerto pour piano No.2 de Chostakovitch s’ouvre sur une introduction des vents, très vite rejoints par le soliste pour l’exposition du thème. Dans ce premier mouvement, le thème est gai et pétillant, sans ironie apparente, fait rare chez le compositeur russe. Presque entêtante avec ses motifs répétés, la simplicité du thème se transforme en traits brillants, exécutés avec fougue par Denis Matsuev. Cet Allegro se conclut par une fantaisie militaire joyeuse, qui ne laisse pas présager la couleur de l’Andante. Et pourtant, dans ce deuxième mouvement, on retrouve l’atmosphère plus sombre de la musique de Chostakovitch : on se laisse emporter par son romantisme, loin des effets rythmiques du premier mouvement. Le soliste a tout le loisir d’exprimer sa sensibilité et de proposer une interprétation moins exubérante, plus introvertie, soutenue par un tapis de cordes. Pour clôturer ce triptyque musical, nous sommes replongés au cœur d’un Allegro aux accents dansants, et où l’on entend parfois des influences jazz. La conclusion est optimiste et énergique et laisse de nouveau libre cours à la virtuosité du pianiste qui se lève dans l’élan de son interprétation, le dernier accord posé.