Beaucoup de bruit pour rien. Voilà l’œuvre de Korngold choisie par le maestro Leonard Slatkin pour ouvrir la soirée. Et non, l'Orchestre National de Lyon en formation chambriste – 19 instrumentistes comme voulu par la partition – ne fait pas du « bruit » mais propose une interprétation enjouée et sautillante du premier mouvement. Si l’on regrette que le quatuor soit parfois trop en retrait, disparaissant au profit du piano, de la harpe et de l’orgue, les vents, les cuivres et les percussions imposent leur présence. Engagés, les instrumentistes donnent à entendre donc quelques pages au caractère dansant et festif. L'intermezzo suivant nous permet d'accorder toute notre attention au quatuor qui prend un plaisir manifeste à jouer ensemble. Léonard Slatkin se retire presque entièrement de la direction, ne donnant que quelques départs délicats et laisse ainsi le soin aux instrumentistes de proposer leur propre lecture de la partition. D’un lyrisme exacerbé le trio harpe, piano et violoncelle ravit les auditeurs. L’éclatant final « Mascarade » nous permet d’apprécier la brillance des cuivres et tout particulièrement celle des cors. Les applaudissements nourris récompensent les instrumentistes et le maestro semble satisfait de son petit ensemble qu’il salue vivement.
L’impatience est palpable lors du changement de plateau et l’on devine aisément que nombreux sont les auditeurs venus tout spécialement prêter une oreille attentive au Concerto pour violon et orchestre, op. 11 de Barber interprété par Gil Shaham. Ce dernier fait une entrée remarquée, souriante. Quel bonheur de voir dès les premières mesures s’établir un véritable dialogue entre le soliste et l’orchestre. Totalement offert à l’œuvre, le virtuose impulse à l’ensemble la dynamique souhaitée et n’a de cesse de regarder ses partenaires. La communication est complice, l’écoute excellente. Les ambiances, tantôt langoureuses tantôt douloureuses sont nuancées, les pianissimo du soliste remarquables de justesse et de douceur, les graves de l’instrument impressionnants de rondeur. Chaleureux, ils nous enveloppent d'une immense douceur. On regrette que les tutti manquent parfois d’emphase. Le final, nerveux et mécanique donne la possibilité à l’ensemble de se dépasser. Si l’emballement est perceptible, il apparaît comme mimétique du machinisme déréglé que veut illustrer le violoniste, selon ses propres termes. Le sourire de l'interprète est radieux. Les applaudissements sont nourris, les bravi fusent et l’on se sent privilégié d’avoir pu assister à un tel moment de complicité. Les visages s’éclairent à l’annonce du bis. Ce sera Gavotte en Rondo BW-1006 de Bach. Nous aimons tout particulièrement ces moments où l’orchestre devient à son tour spectateur. Ce bis est l’occasion de nous démontrer toutes les qualités de l’instrument - un Stradivarius de 1699, le Comtesse Polignac - et de nous offrir une pause résolument baroque. Le vibrato est d'une rare poésie, les sonorités comme venues d'un autre monde. Salué chaleureusement par l'orchestre, Gil Shaham quitte la scène comme il y était entré, avec le sourire, nous laissant sous le charme de ce moment de grâce.