Les ballets, les concertos et les symphonies de Tchaïkovski ont depuis longtemps gagné la faveur du public. Cela n’a rien d’étonnant, puisque c’est dans l’écriture orchestrale que le compositeur s’exprime avec le plus d’aisance et qu’on retrouve les marques de sa débordante inventivité. À regret cependant, le succès de ces œuvres a parfois occulté dans le catalogue du compositeur la présence de pièces pour musique de chambre qui, si peu nombreuses qu’elles soient, ne sont pas dénuées d’intérêt. C’est donc avec enthousiasme que nous avons accueilli l’initiative de la Fondation Arte Musica et de l’Orchestre Symphonique de Montréal de présenter à la salle Bourgie le Quatuor à cordes n° 2 en fa majeur, op. 22, et le Sextuor à cordes Souvenir de Florence en ré mineur, op. 70, de Tchaïkovski.
Mentionnons que, parmi les musiciens sélectionnés pour la prestation, Richard Roberts était présent, qui occupe le poste de violon solo de l’OSM depuis 33 ans maintenant et qui, antérieurement, occupait celui de violon solo adjoint de l’Orchestre de Cleveland sous la direction de Lorin Maazel. Au premier violon pour les deux pièces interprétées, il constituait la figure de proue de l’ensemble formé pour le concert de vendredi dernier.
Le Quatuor n° 2 ne présente pas de difficultés techniques particulières, mais il exige des interprètes un souci d’équilibre élevé entre les différents pupitres et une recherche constante de climats spécifiques, tantôt tourmentés, tantôt légers, et ce, dès les premières mesures de l’Adagio. Les dissonances des premiers accords sont abordées avec une délicatesse quasi plaintive, dans un chromatisme ambiant chargé qui soulève des interrogations, que la longue section du Moderato Assai tentera de résoudre, sans toutefois y parvenir parfaitement. Le violon de Roberts répond aux questions sans se presser d’abord, en articulant nettement chacune des notes de sa ligne, non sans une certaine indolence, mais, après quelques doléances renouvelées des autres instruments, il décharge une succession de notes rapides dans un élan provocateur, avant de se rasséréner pour l’exposition de la section suivante. Le premier mouvement révèle l’importante place qu’occupera Roberts tout au long de la pièce. Il est le chef de file et donne le ton : dans l’ensemble, on recherche la retenue plutôt que le débordement, sauf pour la reprise de certains thèmes qu’on se permet de jouer avec plus d’agitation. Le Scherzo est entamé dans une sorte de laisser-aller, de nonchalance très à propos, mais dont le contraste avec le mouvement précédent aurait été plus relevé si les musiciens avaient adopté un tempo légèrement plus rapide.