Jeudi 4 mai 2017, Leonidas Kavakos devait jouer sur la scène de la Philharmonie de Paris avec le Royal Concertgebouw Orchestra d'Amsterdam. Malheureusement, pour des « raisons personnelles », le violoniste virtuose a dû renoncer au concert quelques jours avant, laissant sa place à Isabelle Faust. Le résultat n’a pas vraiment été satisfaisant… En revanche, la deuxième partie de la soirée, consacrée à la troisième symphonie de Beethoven, a permis à cet ensemble renommé d’offrir au public quelques très beaux moments de musique.
Le concerto pour violon de Brahms est l’un des plus connus du répertoire – si ce n’est peut-être le plus populaire de tous, grâce à son finale brillant, énergique et fougueux. Créé en 1879, il requiert de la part du soliste une virtuosité époustouflante, et s’appuie sur des thèmes marquants et contrastés. Il ne fait nul doute que Leonidas Kavakos aurait été spectaculaire dans ce répertoire dont il a l’habitude et qu’il maîtrise si bien. L’agilité extrême du violoniste grec et l’expressivité aiguisée de son jeu semblent le destiner à s’emparer d’une œuvre de cette envergure pour émerveiller les salles du monde entier. Cependant, le 4 mai, c’est Isabelle Faust qui se voit propulsée sur scène pour donner le fameux concerto de Brahms. Bien qu’il s’agisse d’une excellente musicienne, la violoniste cultive une esthétique très différente de celle de Kavakos ; son répertoire de prédilection (plutôt orienté baroque et classique voire début du romantisme) ne fait pas appel à la même technique, à la même sensibilité, ou encore à la même personnalité. Ainsi, Isabelle Faust excelle dans son art mais représente un tout autre genre – plus délicat, plus nuancé, plus chambriste dans l’esprit.
Aussi remarquable soit-elle lorsqu’elle joue des œuvres qui lui correspondent, la violoniste ne parvient pas à convaincre dans du Brahms. Les tempi choisis (surtout dans le premier mouvement) sont d’une lenteur impossible, ce qui alourdit le son de l’orchestre et ne met pas non plus en valeur la soliste qui semble lutter contre la difficulté du morceau. Elle se trouve d’ailleurs en réelle difficulté à plusieurs reprises. De façon générale, Isabelle Faust n’adopte pas le style adapté à cette musique : elle appuie trop sur la corde et ne parvient pas à donner de souffle à sa partie. Son interprétation manque sans doute de préparation, mais il semble également évident qu’il existe un profond décalage entre l’univers de Brahms, passionné, typiquement romantique et caractérisé par des émotions exacerbées, et celui qui habite Isabelle Faust, peu à l’aise dans ce rôle de soliste star. Pour preuve, elle éblouit tout naturellement la salle au moment de son bis, une pièce qui lui parle à l’évidence bien plus (Guillemain) et lui inspire un jeu coloré, raffiné et lumineux.