En cette fin d’année, c’est à une série de représentations de grande qualité que nous convie l’Opéra-Comique avec la Chauve-souris de Johann Strauss. Oui, Chauve-souris, et non pas Fledermaus, car il s’agit là d’une adaptation en français de l’opérette viennoise. Par le passé, deux adaptations avaient déjà été proposées au public francophone, les deux s’écartant plus au moins de la version straussienne. En réadaptant la Chauve-souris pour cette nouvelle production, Pascal Paul-Harang réitère alors, en prenant compte des préoccupations de notre époque, un geste historique. Il explique sa démarche dans le programme de salle : « Tout mon travail a consisté, non seulement à bien lire et à bien écouter l’œuvre de Strauss et Genée, mais aussi à tenir compte de la pratique théâtrale dont elle est issue, afin d’offrir aux chanteurs et aux metteurs en scène d’aujourd’hui les moyens d’en proposer une interprétation ouverte et sensible. »
L’initiative est louable, l’objectif est atteint. Cette nouvelle adaptation présente l’avantage pour le spectateur de pouvoir se détacher (au moins partiellement) du surtitrage et de mieux apprécier le jeu scénique. De leur côté, les chanteurs de cette distribution en majeure partie francophone s’emparent facilement des dialogues modernes et semblent tout à fait dans leur élément. Ils sont stimulés en outre par la présence d’un véritable comédien en la personne d’Atmen Kelif dans le rôle exclusivement parlé de Frosch.
Arrêtons-nous un instant sur cette distribution de choix. Le baryton Stéphane Degout tient avec une facilité déconcertante le rôle vocalement exigeant de Gabriel von Eisenstein et dégage une forte présence scénique. Sous les traits de Rosalinde, la soprano lyrique Chiara Skerath fait preuve pour sa part d’un bel engagement, notamment dans son interprétation de la csárdás hongroise du deuxième acte. Mais il faut bien avouer que dans le rôle de la soubrette Adele, Sabine Devieilhe lui arrache la vedette. La soprano colorature fait preuve d’une diction parfaite et d’une grande aisance tant scénique que vocale, faisant alterner avec naturel la gouaille de son parler de femme de chambre avec la beauté angélique de ses aigus. Avec sa large voix de baryton, Florian Sempey quant à lui impressionne dans le rôle de Maître Falke, personnage couvant une froide vengeance pour un affront de longue date et se montrant tour à tour manipulateur ou spectateur des situations qu’il provoque. Notons également la performance du ténor Philippe Talbot remplaçant au pied levé, dans le rôle d’Alfred, Frédéric Antoun annoncé souffrant, ainsi que celle du contreténor Kangmin Justin Kim parvenant à merveille à faire du Prince Orlofsky un adolescent androgyne et capricieux.