En clôture de sa programmation 2016-2017, l'Orchestre Symphonique de Mulhouse a proposé une soirée viennoise dans le fil thématique de sa saison : Mitteleuropa, l'Europe Centrale au XIXème siècle. Le Concerto n° 5 pour piano op. 73 « l’Empereur » de Beethoven s'imposait en première partie : chargé d'histoire, écrit sous la canonnade durant l'attaque de Vienne par Napoléon, il consacre la première forme accomplie du concerto romantique. Autre sommet du Romantisme viennois, la Symphonie n° 9 en ut majeur D 944 de Franz Schubert dite « La Grande ». Inscrite dans la lignée beethovénienne avec une inspiration cependant renouvelée, elle constituait la seconde partie du concert. Plus jeune génération mais ô combien représentative de la réalité viennoise de son époque, celle de Johann Strauss fils. Une part lui était réservée sous forme d'ouverture de programme avec la Valse de l'empereur.
Celle-ci, dès le tutti forte de l'Introduction promet un orchestre à la puissance et aux timbres des pupitres soigneusement équilibrés. Les nuances et le tempo s'inspirent avec bonheur de la belle sensibilité du chef, Patrick Davin. Sensibilité qui imprime aux quatre thèmes de la valse un caractère étonnant et intéressant semblant tenir davantage à une sorte de gravité plutôt qu'à une image de frivolité mondaine. Au demeurant, cette interprétation s'accorde aux œuvres constituant le cœur de la soirée, à commencer par le Concerto pour piano « l’Empereur » de Beethoven.
Le jeune pianiste, Rémi Geniet, aborde cette œuvre avec une fougue et des qualités qui ne demandent qu'à s'épanouir. Il est soutenu par un chef et un orchestre s'appliquant à mettre toutes leurs ressources au service du soliste. Brillant par son énergie ainsi que par le délié de son jeu, notamment à la main droite, Rémi Geniet fait sonner le haut du clavier de manière particulièrement claire et bien timbrée. Dès les premières mesures, pianiste et orchestre instaurent la nécessaire entente ; d'autant que les cadences du soliste étant assez restreintes par rapport à d'autres concertos, l'interprétation repose sur la continuelle cohésion entre piano et orchestre. Celui-ci s'adapte parfaitement à cette configuration, sachant colorer les thèmes et l'harmonie modelés par le piano pour atteindre la solennité et l'ardeur qui conviennent à l'esprit de l'œuvre. Certes, la retenue voulue par l'Adagio appelle un sentiment d'apaisement. Créé d'abord par les cordes en ce début de 2ème mouvement, en particulier dans les graves, il évolue avec justesse jusqu'à la reprise du thème au piano. Toutefois, le soliste encore inspiré sans doute par la tenue énergique qu'il avait imprimé au 1er mouvement, contraint quelque peu l'orchestre à se détacher des plus fines nuances ménagées dans l'introduction. Bien qu'une concordance ait mis ainsi un instant à se rétablir, la montée chromatique en trémolos du piano soutenu par les quelques accords aux cordes a parfaitement témoigné de la maîtrise et de la sensibilité de Rémi Geniet et des instrumentistes. La voie était donc ouverte vers les dernières variations puis les dernières mesures, extinction frémissante de l'Adagio, ménageant soigneusement la transition qui conduit à l'attaque toujours surprenante et ici réussie du dernier mouvement.