Inattendue et instructive alchimie qu’un concert ! Et combien riche d’enseignements et d’émotions peut se révéler ce précipité d’œuvres selon l’ordre de leur entrée en scène, de leur compatibilité et bien sûr de leur interprétation. Au menu de ce vendredi à l’Opéra de Clermont-Ferrand où l’altiste Lawrence Power était l’invité de l’Orchestre d'Auvergne, quatre courtes pièces composaient la première partie : Imaginées VI de Georges Auric, Pastorale fantasia pour alto et orchestre à cordes de William Alwin, deux mélodies de John Dowland dans des arrangements de Lawrence Power – Flow my tears et If my complaints could passions move – et le Lachrymae pour alto et orchestre à cordes op. 48a « Reflections on a Song of John Dowland » de Benjamin Britten.
Un monde sépare les deux premières pages. Quoi de plus différentes pour ne pas dire antinomiques qu’Imaginées VI et la Pastorale fantasia ? Que leurs auteurs soient à une poignée d’années près contemporains, ne manque pas d’étonner. Imaginées VI n’a, non seulement pas pris une ride mais pourrait se prévaloir d’une modernité et d’une inventivité que bien des compositeurs actuels ont du mal à atteindre. Fraîcheur incroyable d’une écriture fine, à la pointe sèche, et coruscante à la fois : Auric y semble insaisissable tout en faisant montre d’une concision et d’une rigueur d’un naturel jubilatoire. Il semble s’être joué des pupitres aussi sûrement qu’un Roberto Forés Veses à leur tête en éclaire la complexe subtilité des rapports. Une pièce taillée sur mesure pour cette formation qui s’approprie ses élans dansants, sa spontanéité mélodique et sa franchise de ton. Le mérite premier de Forés Veses et de se montrer particulièrement attentif et fin lecteur de l’intelligence de cette écriture cultivée que bien trop d’interprètes occultent par ignorance.
Le contraste avec le style plus conventionnel d’Alwin n’en est que plus surprenant, voire anachronique. On chercherait en vain cet élan dynamique et cette acuité du regard toujours en éveil si caractéristique chez Auric. Rien d’excessif à soutenir que Pastoral fantasia doit beaucoup à Lawrence Power. L’attaque de la corde, tout en étant franche et incisive, conserve une rondeur et une épaisseur d’une envoûtante projection. Toute la pugnacité de son engagement n’était pas superflue pour sauver cette page de la monotonie. Son architecture quelque peu conventionnelle souffrait par trop de l’éloquence d’Imaginées VI.