Adaptation de l’œuvre de Victor Hugo, l’Ernani de Verdi capte les tensions de la société d’Ancien Régime révélée par un amour impossible entre Elvire et ses trois prétendants : le roi Don Carlo, le vieux duc Don Ruy Gomez de Silva, et celui qu’elle aime en secret, Ernani. Les adeptes du bel canto seront servis durant cette soirée.
La mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman consacre un plateau extrêmement statique qui eût été un peu pesant si les quatre actes s’étaient révélés plus longs. Les décors intemporels (piliers du château, arbre mort de l’extérieur, salle de cérémonie) répondent aux costumes métissant plusieurs époques, également réalisés par Emmanuel Peduzzi. Si l’on regarde seulement les tenues militaires, l’hermine traditionnelle médiévale de Don Carlo, répond au costume du vieux général bardé de médaille de Silva d’un style année 50 et aux tenues des sbires du roi « nouvelle génération » ressemblant aux commandos actuels. Les lumières rougeoyantes de Jean Kalman assurent une mise en avant des personnages et des décors minimaliste mais très efficace, sauvant un peu l’immobilisme général. Le couronnement de Don Carlo comme Empereur du Saint Empire, sous la gouverne de l’aigle impérial bicéphale, est particulièrement réussie, tout comme les rêves de grandeurs du futur Charles Quint dont l’ombre géante trahit la démesure et l’orgueil. Echouant devant l’autel représenté par un drap blanc de soie tendu, Ernani se poignarde sur l’ordre de la corne de Silva, et semble avalé par son destin au moment où le drap se décroche et le recouvre, lui ainsi qu’Elvire. Tout est accompli, et l’espérance de l’autel se transforme en un instant en linceul lancé par le destin.
Durant l’ouverture lancée par Evan Rogister, les bandits s’éveillent progressivement au fur et à mesure des roulements de timbales et le héros apparaît rapidement. Ernani, incarné par Alfred Kim qu’on avait déjà vu excellent dans Turandot, produit un vibrato et une puissance extrêmes pour ce rôle de prédilection. Même leçon pour l'Elvire de Tamara Wilson, impeccable sur ses soli, de la présentation de la robe de mariée et des bijoux, jusqu’à la mort de son amant. On apprécie surtout la douceur du duo d’Ernani et d’Elvire durant l’acte II. Le roi Don Carlo (Vitaliy Bilyy) et Silva (Michele Pertusi) préfèrent une vocalise plus polissée et moins clinquante, et c’est sans doute ce dernier qui sera le plus applaudi pendant et après la représentation. Giovanna (Paulina González), Don Riccardo (Jesús Álvarez) et Jago (Victor Ryauzov) ne sont pas en restes mais la partition ne leur offre que des interventions minimes.