La ville de Pesaro est, pour les amateurs de Rossini, un lieu de pèlerinage incontournable. Ville natale du compositeur, elle est célèbre pour son festival d’été mettant en avant les œuvres de l’enfant du pays.
Pourtant, Pesaro vient de se faire ravir son titre de capitale du « Bel Canto rossinien » par une autre rivale de taille. Le temps de quatre représentations de Semiramide, c’est en effet Marseille qui jubile au son des vocalises rossiniennes.
C’est pourtant peu dire que l’œuvre est difficile à monter. Semiramide cumule les obstacles de taille : livret invraisemblable, 4h de musique et des rôles solistes d’une extrême complexité technique. Il n’en reste pas moins que si l’histoire est peu prenante, la musique quant à elle, subjugue par sa beauté. Le choix de présenter l’œuvre en version de concert est alors plus que validé. Cet après-midi, tous les éléments étaient réunis pour faire de ce spectacle un grand moment. La direction de l’Opéra de Marseille a réussi son pari.
Du côté des voix, c’est l’exceptionnelle homogénéité du plateau vocal qui laisse pantois.
Jessica Pratt, interviewée par Bachtrack au mois d'avril dernier, a toutes les qualités requises pour la prise du rôle de Sémiramis. Majesté, noblesse de la ligne de chant et sentimentalisme justement retenu. Surtout, elle apparaît souveraine des innombrables difficultés techniques de la partition. Le souffle est tenu, les vocalises justement précises, la tessiture du rôle est maîtrisée, à l’image des nuances utilisées avec goût. Son célèbre air « Bel raggio lusinghier » au premier acte, est un exemple de musicalité. Sans jamais vouloir tomber dans la démonstration ou dans l’éternel suraigu, elle use à merveille d’un art de la nuance et d’une intelligence musicale sublime. Superbe prise de rôle.
Sa consœur Varduhi Abrahamyan qui interprète le rôle d’Arsace, bénéficie d’un timbre d’une beauté incroyable. La voix est chaude, ronde et délicieusement grave. Là aussi, la technicienne laisse sans voix. La vocalise est virtuose, le souffle jamais ne manque et la projection superbe. Les nuances et le sens de la musicalité constant viennent compléter à merveille cette interprétation de haut vol. Ses deux airs solos sont sublimes et remportent l’adhésion des spectateurs qui ovationnent à juste titre l’artiste.
Notons également que l’adéquation vocale entre les deux jeunes femmes est parfaite au point de faire du duo entre la mère et le fils à l’acte deux, l’un des nombreux points d’orgue de la représentation. Les voix se mêlent à merveille dans une sensualité exquise.