Tamerlano de Vivaldi avec Thibault Noally, son ensemble Les Accents, est présenté ce 23 juillet non dans la cour des Hospices de Beaune à la célèbre toiture vernissée mais dans la basilique romane voisine, les intempéries menaçant. Toutefois, sans motif moral mais en un sens technique et esthétique, on peut poser la question de l'adaptation d'un opéra, fût-il du "prêtre roux" à une architecture où les chanteurs en particulier ont à faire résonner voûtes et nefs comme si l'on se trouvait dans une maison d'opéra. Défi globalement relevé ce soir par des interprètes émérites.
En outre, la version de concert dépouillée de théâtralité (jeux de postures individuelles, emplacements modulables des chanteurs, simplement) peut gêner le suivi de la trame dramatique. Toutefois, la qualité de l'interprétation musicale reste là pour susciter et maintenir écoute, émotion, imagination ; ce que réalisent le puissant dynamisme et la virtuosité des interprètes avec Thibault Noally.
Au risque d'être injuste envers l'ensemble des chanteurs dont aucun ne démérite, loin s'en faut, on pourrait décerner une mention à Blandine Staskiewicz incarnant Irène, femme bafouée, cœur et ambition brutalement anéantis par Tamerlan mais toujours maîtresse d'elle-même, des autres, des événements. Passionnément identifiée à ce rôle, la mezzo soprano joue de sa voix extraordinairement forte, claire, souple ; ambitus remarquable, prononciation impeccable. Vive dans les récitatifs, prodigieuse dans ses airs virtuoses, avec emprunts aux compositeurs napolitains, célèbres pour leur invention du bel canto que Vivaldi réutilise, conformément à la pratique de l'époque.
Andronicus, allié de Tamerlan contre Bajazet : personnage paralysé par des conflits opposant en lui, cœur, réalité, intérêts. Lea Desandre cisèle parfaitement sa voix rendant finement compte de la complexité du personnage, de l'indécision liée à sa jeunesse. Les émois d'amoureux contrarié s'expriment non sans attendrissement, y compris dans les virtuoses vocalises, sauts d'intervalles, aigus, graves. Léa Desandre n'a généralement pas besoin de porter sa voix à une extrême puissance : sa technique vocale et expressive, sa prononciation soignée la rendant parfaitement compréhensible, touchante jusqu'aux derniers rangs du public.
Anthea Pichanick incarne le rôle d'Ateria rôle d'une voix cristalline convenant à cette féminité naissante, tout en révélant les vertus de son personnage par un ton, un rythme, une articulation décidés, pathétiques, touchant parfois à la complainte, sans besoin d'ornementations. Son second air de l'acte II, La cervetta timidetta surprend d'ailleurs un peu par son côté intériorisé, emprunt d'un certain tragique alors que musique et texte pourraient porter à un peu plus de légèreté. Mais l'option retenue est d'autant plus défendable que l'orchestre s'y conforme aussi avec justesse.