On commence à le savoir : les entrées en matière ne sont pas le point fort de Christophe Honoré. Parfois bavards, superficiels et sonnant toujours un peu faux, ses préludes cinématographiques, souvent déroutants, se muent gracieusement à mi-récit en suites plus concluantes, laissant l’émotion et la gravité poindre sous une légèreté de moins en moins toc. Aussi aurait-on pu croire le pire en début d’entretien, à entendre le metteur en scène, dans une candeur rafraîchissante mais frôlant le dilettantisme, nous avouer qu’il ne se serait pas cru en mesure d’aborder le difficile genre qu’est l’opéra, ou lancer nonchalamment que, tant qu’à faire, autant passer par Mozart et ne pas « jouer petit ». C’était heureusement sans compter sur l’aveu qui a suivi : ce qui intéresse Honoré, peu importe le mode d’expression, c’est avant tout de ne pas proposer un récit linéaire et prévisible, de laisser plusieurs pistes ouvertes et de surprendre en cours de route – en bref, de ne pas donner exactement au spectateur ce qu’il attend de lui.
On tient là sans doute ce qui fait la force et la faiblesse d’un auteur prolifique et touche-à-tout – littérature jeunesse, cinéma, théâtre, et maintenant opéra – mais souvent inégal : cette cohabitation entre familier – langue orale, références innombrables aux grands classiques littéraires et aux cinéastes de la Nouvelle Vague, entre autres – et une envie profonde de renouveau. C’est ce qui avait fait le succès de son adaptation de La Princesse de Clèves, devenue la Belle Personne que l’on connaît sous les traits de Léa Seydoux suite à une des plus célèbres petites phrases de Nicolas Sarkozy. Et, un an auparavant, de ses Chansons d’Amour, hommage au trio Demy – Godard – Truffaut, dont Les Bien-Aimés, suite plus ou moins avouée, avait modérément convaincu malgré ses qualités, sans doute à cause de ses airs de redite.
Aussi ne s’étonne-t-on pas que Serge Dorny ait fait appel à lui pour mettre en scène les Dialogues des carmélites et Pélléas et Mélisande : le directeur de l’Opéra de Lyon, sensible à une approche moins conventionnelle du domaine lyrique, a sans doute vu dans cette synthèse entre classicisme et modernité une recette intéressante pour traiter ce répertoire. Le résultat, volontiers distant vis-à-vis des œuvres, transposant les Carmélites dans un décor plus contemporain, ou substituant un jeu de massacre charnel à l’amour encore chaste de Pélléas et Mélisande, tout en dissertant avec les thématiques qu’elles soulèvent – politiques pour l’un, métaphysiques et littéraires pour l’autre – n’a pas laissé la critique indifférente.