Soirée émotion au Victoria Hall avec un programme présentant un triptyque d’œuvres passionnantes et fortes sur plus d’un siècle… Évolution des styles, permanence de l’émotion.
L'introduction contemplative et douce de Sigfried-Idyll, courte pièce écrite pour la naissance du fils de Richard Wagner et de Cosima von Bülow, nous permet d’entrer dans ce concert de manière sereine. On relèvera le très beau son du hautbois solo, Christopher Bouwman, au sein de l'Orchestre de la Suisse Romande. Cependant, dès le début de la pièce, l’émotion ne prend pas vraiment. Serait-ce dû au choix des tempi, ou un manque de souffle dans des phrases définitivement trop courtes ? Rien de déshonorant bien sûr, mais on a le sentiment d’être passé à côté de ce Wagner.
Le Concerto pour violon en ré mineur de Jean Sibelius, composé entre 1903 et 1905, est une œuvre plus âpre, qui commence dans un aplat de cordes diaphane d’où s’élève le son du violon. Très vite le propos s'amplifie et s’assombrit, l’orchestre entreprend alors un vaste dialogue avec le soliste. La parenté avec Wagner paraît évidente tant les émotions y sont exacerbées et touchent au cœur l’auditeur.
Dès le début on reste frappé par le son diaphane, à la fois boisé et sombre de Leonidas Kavakos, musicien grec loué internationalement, et qui, pour l’anecdote, jouait avec l’OSR mercredi et jeudi, avec le Philharmonique de Berlin sous la baguette de Simon Rattle le vendredi matin à Athènes, puis de nouveau avec l’OSR le soir… Malgré cet agenda de rock star, on n’assiste pas à un show, ni à une leçon de musique… Ses cheveux mi-longs faisant une sorte de rideau sur ce visage tout entier à sa concentration, on est touché par un homme en osmose avec son instrument. La technique n’existe plus, reste l’évocation d’une musique profondément ancrée dans la terre. L’artiste d’ailleurs, à la manière d’une Martha Argerich, se tourne plus volontiers vers l’orchestre pour dialoguer, qu’il ne communique avec la salle. Le soliste fait partie d’un grand tout : l’œuvre, l’orchestre, le chef, l’énergie du moment… une vision chamanique en quelque sorte. Et quel bonheur de voir cette force tellurique dialoguer avec l’Orchestre de la Suisse Romande emporté par l’énergie de ce musicien !
Le dernier mouvement, tel une danse incantatoire, semble annoncer le Sacre du Printemps par son motif de basse. Développant une énergie folle, son violon offre des graves boisés et âpres, ne recherchant pas forcement le plus beau son, mais celui qui colle au plus près de l’émotion musicale. Fans de l’âme nordique, vous étiez servis mercredi soir !
Un Bach magnifique de musicalité accusera de longues secondes de silence… L’émotion était palpable ce soir dans la salle, le public ne s’y est pas trompé.