Ce n'était sans doute pas l'élément central du programme proposé ce soir à la Maison de la radio et de la musique par l'Orchestre National de France devant un public où près de 400 lycéens avaient pris place. Et pourtant c'est bien le Concerto pour alto de William Walton et surtout son soliste, Antoine Tamestit, qui nous auront laissé le plus vif souvenir d'une soirée pour le moins contrastée.
William Walton est un peu le vilain petit canard de la musique anglaise du XXe siècle. Il se distingue autant du courant post-victorien incarné par Elgar puis Vaughan Williams que de son quasi-contemporain Benjamin Britten, par une liberté de ton, une inspiration qui prend sa source dans la musique élisabéthaine et se nourrit à des influences germaniques ou orientales. Œuvre d'un tout jeune homme de 27 ans, son Concerto pour alto peut déconcerter par sa découpe. L'« Andante comodo » initial accueille le soliste par une mélodie tendre et nostalgique, qu'entoure un orchestre d'abord réduit aux cordes, puis s'élargissant aux bois et aux cuivres qui ponctuent le thème principal.
D'emblée le Stradivarius de 1672 que joue Antoine Tamestit irradie la musique de Walton, accroche l'auditoire aussitôt silencieux et attentif. Tamestit donne toujours cette impression de transfigurer tout ce qu'il joue. On le sent plus d'une fois désireux de mener l'orchestre et de se substituer à la cheffe Marie Jacquot dont l'accompagnement est bien lisse et terne. il va jouer d'une évidente complicité avec les musiciens du National. Dans le deuxième mouvement « Vivo e molto preciso », quelques décalages dans l'orchestre ne parviennent pas à juguler l'irrésistible élan du soliste. Quant au troisième mouvement « Allegro moderato », c'est un cas d'école : Walton fait la part belle au tutti d'orchestre avec des thèmes audacieux, des développements fugués qui évoquent plus d'une fois les textures chargées de Hindemith, tandis que l'alto se replie sur un chant presque confidentiel, renouant avec la mélodie du début. Antoine Tamestit remerciera le public pour son accueil et dédiera à la mémoire de Sofia Goubaidoulina une song de John Dowland, accompagné par la harpe d'Emilie Gastaud.
Que dire du reste du programme plutôt hétéroclite, censé marquer les débuts de Marie Jacquot à Radio France et à la tête de l'Orchestre National de France ? La barque était à l'évidence trop chargée. Pourquoi un tel parcours d'obstacles – une création, deux œuvres inconnues ou presque, et, de l'aveu même d'illustres baguettes, le plus complexe des trois ballets de Stravinsky, Petrouchka ? Faut-il en vouloir à la jeune cheffe, Révélation des Victoires de la Musique classique 2024, de n'avoir pas convaincu les auditeurs les mieux disposés à son égard ?