À l'aube du XXIe siècle, les instruments hybrides viennent rejoindre l'histoire du quatuor à cordes avec la création, par les musiciens du Quatuor Tana, de Smaqra IV, premier véritable exemple du genre. Composée par Juan Arroyo, cette œuvre nous propose une expérience perceptive inhabituelle, en mêlant recherches sonores sur la fusion des sons acoustiques et électroniques avec l'écriture pour quatuor à cordes traditionnel, et pose à nouveaux frais la question de la composition contemporaine en référence à des éléments musicaux chargés d'histoire.
L'écriture pour instruments hybrides offre un nouveau rapport à la musique dite mixte, genre musical qui mêle instruments acoustiques et dispositif électronique. Dans la tradition de la musique mixte, les sons des instruments acoustiques sont enregistrés et travaillés électroniquement en temps réel puis diffusés au sein d'un dispositif de hauts parleurs dans la salle. Dans le cadre de Smaqra IV au contraire, grâce à un ensemble de recherches et de démarches empiriques, les traitements électroniques ne sont pas diffusés par les hauts parleurs mais renvoyés vers les instruments acoustiques. Ainsi, le son acoustique et les traitements électroniques sont diffusés par le même medium, celui de la caisse des instruments. Cette fusion de l'électronique avec l'acoustique naturelle des instruments renouvelle les questions d'homogénéité et de quaternité au sein du quatuor à cordes, deux caractéristiques fondamentales du genre.
La source de la démarche compositionnelle de Juan Arroyo réside dans l'emprunt des qualités sonores des instruments percussifs pour les appliquer aux sons des instruments à cordes. Les sons enregistrés en direct sont traités électroniquement pour nous conduire vers différents timbres évoquant les percussions. Le dispositif électronique participe à l'effacement des indices susceptibles de renseigner l'auditeur sur la source réelle du son, sur le timbre. L'ensemble du discours est ainsi fondé sur une dialectique entre réel et irréel, entre matérialité et immatérialité. Autrement dit, Juan Arroyo travaille sur nos codes d'écoute et nous propose ainsi une nouvelle trajectoire auditive pour ce genre musical au passé si important.
Écrire pour quatuor à cordes reste toujours aujourd'hui une démarche compositionnelle difficile, soit stimulante soit inhibitrice face à l'ampleur du répertoire existant. L'ensemble de ce travail n'aurait pas été possible sans l'étroite collaboration avec les musiciens du Quatuor Tana qui s'inscrivent pleinement dans le processus créateur de l’œuvre. Au travers de cette pièce si singulière, Juan Arroyo nous propose différentes réponses aux problématiques de la composition pour de nouveaux instruments tout en choisissant une formation instrumentale chargée de tradition.