Au Théâtre des Champs-Élysées ce mercredi, une pléiade d’artistes dévoués se sont employés à faire revivre une œuvre oubliée du répertoire français du XIXème siècle : la Reine de Chypre de Fromental Halévy. Appartenant au genre du grand opéra, l’œuvre fut créée en 1841 sur la scène de l’Académie Royale de musique, avec des décors des plus fastueux et le concours de chanteurs parmi les plus réputés de l’époque. Cette semaine, c’est dans la sobriété d’une version « concert » et avec Hervé Niquet et Véronique Gens en tête d’affiche que nous avons pu la découvrir.
L’intrigue se déroule au XVème siècle. Alors qu’elle est éprise d’un chevalier français, Catarina Cornaro, nièce d’un sénateur vénitien, est forcée d’épouser le roi de Chypre pour servir les intérêts de sa cité. Dans cette œuvre où se mêlent héroïsme et grandeur tragique, le compositeur a su ménager ses effets. Chaque dissonance, chaque contraste de nuance, chaque secousse dramatique s’avèrent savamment pesés et fort à propos. La partition recèle par ailleurs de nombreux moments empreints de tendresse et donnant libre cours à l’épanchement mélodique. C’est seulement lors des scènes de liesse des troisième et quatrième actes qu’Halévy cède finalement à la surcharge et à l’emphase.
L’Orchestre de chambre de Paris, dirigé avec beaucoup d’engagement par Hervé Niquet, a su rendre à la perfection la variété de couleurs et de caractères et nous faire hautement apprécier les finesses de cette composition. Qui n’a été séduit dès les premières mesures par la charmante mélodie aux violoncelles ou par les contrechants des clarinettes ? L’orchestre, en outre, a joué pleinement son rôle de soutien et de ponctuation de la ligne vocale, dans une recherche constante d’un subtil équilibre avec les chanteurs.
Solistes comme choristes ont apporté un soin tout particulier à la diction. Il a été agréable et intéressant de constater que le surtitrage était souvent superflu. Nous noterons la belle prestation du Chœur de la Radio flamande, très en forme, qui a convaincu par son sens du phrasé et ses sonorités homogènes. Du côté des solistes, le résultat s’est révélé moins concluant, et pour cause : le rôle du chevalier français Gérard de Coucy devait être initialement confié au ténor Marc Laho, qui a dû déclarer forfait. Comme Cyrille Dubois, devant le remplacer, était souffrant à son tour, c’est finalement Sébastien Droy qui a repris le rôle au pied levé le matin même de la représentation. Remarquons qu’il est bien plus délicat de faire appel à un remplaçant pour une œuvre à peine exhumée de l’oubli que pour un opéra au répertoire de toutes les scènes lyriques. Prudemment, sur la réserve, passant en voix de tête pour atteindre les aigus, Sébastien Droy a réussi tout de même à esquisser le rôle du chevalier Gérard dans son intégralité, laissant à notre imagination le soin de parfaire l’interprétation.