Dans le cadre de sa collaboration avec le Festival d’Automne à Paris et le Théâtre du Capitole, le Théâtre Garonne de Toulouse programme cette année Kopernikus, un rituel de mort, opéra en deux parties de Claude Vivier. La pièce du compositeur canadien, également auteur du livret, a été créée en version scénique en 1980 à Montréal. Malgré l’association de l’ensemble Roomful of Teeth (spécialisé dans l’exploration des fonctions vocales humaines) et de l’ensemble L’Instant Donné (phalange instrumentale de chambre spécialisée dans l’interprétation autonome de musiques actuelles), le spectacle, mis en scène par Peter Sellars, peine à séduire de par sa sobriété scénique.
Un corps immobile attend le spectateur sur une table simple pour un voyage vers une prise de conscience cosmique. Sept musiciens et sept chanteurs entrent en scène en silence, tous vêtus d’un léger vêtement blanc identique. Les deux groupes ont chacun leur espace scénique consacré et vont très peu se mélanger durant la soirée. Le livret prévient : « il n’y a pas à proprement parler d’histoire, mais une suite de scènes faisant évoluer Agni vers la purification totale et lui faisant atteindre l’état de pur esprit ». S’il y a bien une caractérisation de cette prise de conscience de l’individualité finie vers l’immensité non duelle (ou le kosmos), elle est avant tout incarnée par Michael Schumacher. Le danseur-chorégraphe passe en effet de sa position de gisant à celui de conscience agitée, traversée de sentiments contradictoires, avant d’atteindre la plénitude finale.
La performance vocale et instrumentale est au rendez-vous : les deux ensembles restituent avec zèle et talent l’exploration proposée par le compositeur. En point de repère stable, la bande son est couplée à une télévision, sur scène, dans laquelle l’actrice Pauline Cheviller énonce avec douceur et légèreté éléments biographiques et principes philosophico-cosmiques. Dans un premier temps, l’orchestre de chambre noie en grande partie le plateau vocal avant qu’un certain équilibre ne s’installe. Avec des déplacements renforçant l’aspect rituel, les chanteurs complètent ou s’opposent à l’effectif instrumental. Celui-ci varie du solo au septuor, lorsque les pupitres s’allument au fur et à mesure. Sifflements, chant bouche fermée, diphonique, glissements, psalmodie sont réalisés méticuleusement et participent à faire résonner l’harmonie des sphères. C’est avant tout collectivement que l’ensemble vocal s’illustre, en combinant la typologie des jeux et les tessitures, en particulier au sein du trio masculin (Cameron Beauchamp, Thann Scoggin et Dashon Burton). On appréciera également le travail de dissociation des deux sopranos, l’une présentant une voix plus mystique et parlée (Martha Cluver), l’autre une voix plus portée dans les suraigus, chaude et olympienne (Esteli Gomez).