Les amateurs d’opéra rechignent souvent à aller écouter de l’art lyrique en version de concert. Ce format « version de concert » convient pourtant parfaitement aux opéras de Haendel, qui pourraient être assimilés à une succession d’airs dont la musique se suffit à elle-même. Mercredi 13 janvier 2016, le Théâtre des Champs-Elysées offrait une version de concert, donc, de Partenope, opéra composé par Haendel en 1730. Et quelle version… Une distribution de rêve, avec entre autres Karina Gauvin et Lawrence Zazzo (mais pas seulement !). Sous la baguette du jeune chef Maxim Emelyanychev, l’excellent ensemble baroque Il Pomo d'Oro, dirigé avec une sensibilité remarquable. Résultat : une pure merveille haendélienne !
Le sujet de Partenope peut être résumé en quelques mots : l’intrigue étudie le jeu des relations amoureuses entre la reine de Naples, Partenope, et ses prétendants. Le livret (italien) n’a rien d’original, Leonardo Vinci par exemple l’a utilisé cinq ans avant. La particularité de Haendel, bien évidemment, réside dans son talent pour mettre en avant les voix, révéler toute leur virtuosité. Ce qui est intéressant dans Partenope plus spécifiquement, c’est que chacun des personnages a un rôle tout à fait important, tant en termes d’intrigue que d’interventions musicales (peut-être à l’exception d’Ormonte, le capitaine de l’armée, qui n’a qu’un seul air, mais qui chante néanmoins plusieurs récitatifs). Les trois hommes amoureux de Partenope sont Arsace, Armindo, et Emilio ; quand commence l’opéra, le premier est le compagnon officiel de la reine, le second est un prince de la cour un peu timide qui ne lui a pas encore dévoilé ses sentiments, et le troisième est le prince régnant sur le territoire voisin de Cumes, ennemi politique de la reine. Rosmira, quant à elle, la seule autre femme de l’histoire…est déguisée en homme ! Elle se fait passer pour le noble « Eurimène » afin de se rapprocher d’Arsace, qui n’est autre que son ancien amant.
Un des aspects très plaisants de Partenope est l’humour qui y est distillé. La fin est heureuse, puisque Partenope accepte Armindo comme époux et réunit Arsace et Rosmira : ainsi, en termes de ton, l’opéra se montre plus proche d’une comédie que d’une tragédie. Le désir de vengeance de Rosmira, par exemple, est souvent exprimé de manière très drôle parce qu’il est dépeint comme outrageusement excessif et à l’opposé du sentiment amoureux spontané qui transparaît dans son discours. En miroir, la gêne d’Arsace, qui se retrouve tiraillé entre deux femmes et accablé par des sentiments multiples, déclenche elle aussi le rire à plusieurs reprises. Une autre situation drolatique, à la limite de l’absurdité : l’entreprise de séduction de Partenope par Emilio, qui est pourtant en guerre contre elle. Enfin, la malice pleine de bon sens de Partenope, laquelle se décide à choisir l’amant qui l’aime le plus plutôt que celui qu’elle aime le plus (mais qui ne le lui rend pas), permet une fin pleine de légèreté, gaie et divertissante – on est loin de la mort tragique de l’héroïne…et ça fait du bien.