Monter Tristan et Isolde de Richard Wagner est un défi : plus de quatre heures d'une musique dense, sans les intermèdes ou les récitatifs qui font respirer les opéras plus classiques. L'Orchestre du Capitole y confirme son excellence. Emmené par les gestes amples de Claus Peter Flor, il nous offre une ouverture très émouvante, toute en nuances et en chromatismes qui nous imprègnent de l'atmosphère dramatique de l'œuvre.
Le rideau se lève sur le décor d'Andreas Reinhardt : la scène est nue, partagée en trois blocs triangulaires montés sur des vérins aux mouvements erratiques, suggérant très bien la proue d'un navire roulant sur une mer calme.
Elisabete Matos a la puissance et l'endurance nécessaires pour tenir le rôle d'Isolde, mais sa voix manque d'harmoniques et ses aigus sont un peu stridents. Le rôle de Brangäne est certainement moins difficile : la tessiture et la durée du chant sont moins étendues, mais Daniela Sindram y fait merveille : elle a une voix chaude et puissante, une diction parfaite, et son jeu sobre laisse percevoir son tourment quand elle se fait malmener par Kurwenal ou quand elle échange les fioles.
La distribution masculine est aussi en demi-teinte. Robert Dean Smith chante bien mais il peine à convaincre en héros ou amant passionné. Peut-être est-ce dû à la mise en scène très dépouillée de Nicolas Joël (la même que lors de la création du spectacle en 2007) : difficile d'enflammer ses troupes quand son épée pend étrangement d'une poche de redingote. Il faudra attendre le troisième acte pour qu'il nous émeuve en amoureux blessé. Stefan Heidemann n'est pas très en mesure lors de sa courte intervention du premier acte, mais sa voix de baryton combinant des graves très sonores et des aigus harmonieux fait merveille dans l'acte III. Quant au roi Marc, c'était le premier rôle toulousain de Hans-Peter König : sa voix de basse profonde est parfaite pour exprimer ses doutes face aux infidélités du fidèle Tristan.