Pour la venue d’Arcadi Volodos au Palais des Beaux-Arts, les mélomanes venus écouter le pianiste dans la grande salle Henry Le Bœuf se retrouvaient plongés dans la quasi pénombre alors que la scène n’était que faiblement illuminée. Mais si cet éclairage rappelle celui qu’affectionne également Sokolov lorsqu’il se produit sur la scène bruxelloise, l’atmosphère qu’allait immédiatement réussir à créer dans la salle l’interprète n’était pas de l’ordre de cette espèce de recueillement intimidé qui entoure les apparitions de l’impressionnant colosse pétersbourgeois, mais d’une véritable communion dans la beauté de la musique.
Consacrant toute la première partie de son récital à Schubert, Volodos débuta par la peu jouée Sonate en mi majeur D. 157 qui permit de directement apprécier le legato égal et chantant de son piano, une impeccable maîtrise de la ligne mélodique et un parfait contrôle de la dynamique et du son. Autant de qualités qui confèrent une impression de perfection à l'interprétation (l'« Andante » en particulier fut un enchantement), même si, à de très rares moments, les basses du grand Steinway parurent un peu lourdes. Les aptitudes du pianiste allaient être encore davantage mises en évidence dans les plus substantiels Mouvements musicaux D. 780. On n’oubliera pas de sitôt cet « Andantino » où la musique semblait littéralement sortir du néant, le contrôle infinitésimal des nuances et le jeu nimbé de douceur de l’artiste dans le « Moderato » ou le côté dramatique et viril de l’« Allegretto » qui conclut ces six morceaux. Mais ce qui impressionna plus que tout, c’est la façon dont Volodos sut rendre ce côté doux-amer et émotionnellement ambigu de la musique.