Quoi de plus romantique que la vie de bohème et quoi de plus tragique que ce drame Puccinien ? En moins de deux heures, Puccini nous fait passer de l’insouciante vision romantique de la vie de bohème, des artistes, la vie parisienne, au drame de l’intime, à la déchéance, l’angoisse de la maladie, les désillusions et la mort. La Bohème comme une allégorie des emportements du cœur est une œuvre magistrale et reste un must opératique. Genève la présente dans une mise en scène épurée, sans être aride, de Matthias Hartmann, avec un joli jeu de décors, simples, sans artifices de Raimund Orfeo Voigt.
Des grands tulles mobiles symbolisent les limites de la mansarde et de la rue, le monde froid du dehors s’insinue à l’intérieur par le rayon de neige permanent, comme fil conducteur de l’œuvre et en opposition avec le café Momus, aux lumières de cabaret, le monde de la fête, des illusions, de Musetta et Alcindoro, et de sa foule bigarrée.
Le jeu des acteurs est simple, l’action se déroule avec une efficacité totale, le groupe des amis de Rodolfo est parfait, avec notamment un Marcello campé par Andrè Schuen qui, de sa belle voix ronde et chaude, ravi à chacune de ces interventions, ainsi que le Schaunard de Michel de Souza, plein de verve et de sens comique. Soulignons l’efficacité scénique et vocale de ce petit groupe de rôles pas si secondaires. On notera à ce titre le Benoît de Wolfgang Barta, tout à fait piquant et d’une voix qui porte à merveille son personnage.
Un peu en deçà, la Musetta très cabaret de Julia Novikova, joue parfaitement de ses charmes, malgré une voix au vibrato quelque peu gênant et non sans duretés. On aura souri de sa descente de croix du balcon de chez Momus, pour finir se roulant dans les bras de Marcello.
Les rôles principaux sont campés par la Mimi de Nino Machaidze et le Rodolfo de Dmytro Popov, tous deux dotés de belles voix qui s’épanouiront peu à peu. Nino Machaidze possède une voix puissante - parfois trop - bien unifiée, mais au vibrato peut-être parfois un peu dérangeant. Néanmoins elle campe une Mimi crédible, émouvante, au timbre irisé, avec qui on pleure fatalement. Rodolfo quant à lui, souffre de quelques aigus serrés et d’une diction un brin pâteuse. Néanmoins leur couple fonctionne très bien vocalement et, dans cette mise en scène intelligente, on ne ressent aucun stéréotype de jeu, ce qui rend au tout une efficacité essentielle. Le « Che gelida manina » de Rodolfo fut tout de douceur et d’émotion, avec une voix juvénile à souhait, auréolée par des cordes douces et suaves.