Le 1er septembre 1715 mourait Louis XIV. Le trépas du Roi Soleil, monarque absolu dont le règne aura duré 72 ans, donne alors lieu à de nombreuses cérémonies, en France et dans toute l’Europe, afin de célébrer une fois de plus la grandeur de ce souverain hors du commun. Trois cents ans après, en 2015, de nouvelles commémorations fleurissent, dont une exposition entière dédiée à l’événement au Château de Versailles intitulée « Le Roi est Mort ». Mercredi 4 novembre, après que les spectateurs ont découvert cette exposition permettant de se familiariser avec l’importance et le faste du moment, Raphaël Pichon propose avec son Ensemble Pygmalion une reconstitution spatialisée des parties musicales du cycle funéraire. Un projet atemporel et complètement bouleversant, qui nous transporte au cœur du recueillement le plus somptueux et nous fait accéder aux magnificences du deuil royal.
Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles, met en garde le public avant le début du concert : mieux vaut consulter le programme sans attendre, ce sera plus difficile après. Et pour cause… Toutes les lumières de la Chapelle Royale s’éteignent. Des voix s’élèvent depuis derrière l’autel, des bougies sont allumées à cet endroit, dissipant à peine la pénombre. La puissance à l’état brut du plain-chant prend tout son sens ici, alors que les sens des spectateurs sont orientés vers une seule ligne vocale, sans rien pour troubler leur concentration ni leur fascination. Le Subvenite sancti Dei entonné par des hommes uniquement correspond aux prières chantées chaque jour par des religieux pour le repos du défunt ; puis les chanteuses et chanteurs du chœur Pygmalion s’avancent dans les bas-côtés pour le répons Libera me Domine, une musique de procession toujours a cappella, puis le De profundis de Jean Colin en faux bourdon. Les voix se répondent de gauche à droite et de droite à gauche, de façon très calme et homogène, ce qui crée un instant suspendu, où la pureté et la délicatesse de la polyphonie prennent toute la place aussi bien dans l’espace de la chapelle que dans les esprits. Les halos de lumière tamisée disparaissent à nouveau, et la porte du lieu saint s’ouvre pour laisser entrer quatre instrumentistes accompagnant symboliquement le convoi du roi, avec la Marche des Pompes funèbres de Philidor, où le tambour résonne d’une manière solennelle, sombre et spectaculaire, produisant un effet vraiment impressionnant – notamment grâce au déplacement progressif et du son et des ombres à mesure que le groupe marche vers l’autel dans l’allée centrale.