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Surprises et révélations aux Pianomania de Radio France

Von , 22 September 2025

Il n'y a pas foule en ce vendredi soir à la Maison de la radio et de la musique pour la septième édition de Pianomania, un peu plus d'une demi-heure avant le début de ce récital. Mais l'auditorium finira par être très bien achalandé d'un public attentif, comme il l'est si souvent en ces lieux. Cinq pianistes vont se succéder pour des programmes de vingt minutes on ne peut plus contrastés. Sur le papier, on se dit pourquoi pas et à la fin on exulte quand François Dumont, décidément l'un des secrets les mieux gardés du piano français, se lève après avoir joué La Valse de Ravel – cette pièce impossible, si peu finie dans sa version pour piano seul que Maurice Ravel ne voulait pas qu'on la joue en public – comme jamais on ne l'a entendue, effaçant jusqu'au souvenir des magnifiques Nicholas Angelich et Benjamin Grosvenor.

François Dumont
© Jean-Baptiste Millot

Mais comment fait Dumont pour donner l'illusion du mouvement des archets, pour mettre son piano en espace, à le colorer d'une façon si troublante qu'on entend les vents et même la distance qui sépare les pupitres ? Il joue piano et pianissimo, avec de fulgurantes envolées de puissance, des sons d'une douceur vénéneuse et d'une noirceur inquiétante. L'esprit viennois et sa destruction grinçante et tragique par Ravel sont idéalement rendues par ce Pierre Monteux du piano. Un grand moment qui avait été précédé par les Jeux d'eau à la Villa d'Este de Liszt. Le flou paradoxalement précis de notes effleurées qui deviennent pure harmonie et chant tout à la fois sont dignes d'Alfred Cortot dont il a la sonorité et la souplesse. Ravel pointe ici, comme l'avait si justement dit Émilie Munera dans sa présentation du récital sur scène, en sachant avec simplicité dire pour chacun et chacune ce qu'il faut dire pour les présenter eux et leur programme.

Ce récital avait pourtant mal commencé avec Éric Le Sage. Il prend un tempo trop rapide pour le Thème et variations op. 73 de Gabriel Fauré. Et rien n'ira, de basses mal attrapées en fausses notes abîmant l'harmonie fauréenne, de phrases bancales jouées avec indifférence en son désincarné qui sapent l'œuvre. Pourtant quelle merveilleuse idée le pianiste à eu d'enchaîner, dans la dernière résonance du Fauré, les Variations posthumes que Schumann a ajoutées aux Études symphoniques op. 13. Mais là encore, désinvestissement, fautes et sonorité dévitalisée nous perdent rapidement.

Shani Diluka qui le suit n'est pas une pianiste dont la virtuosité vous décroche la mâchoire, mais son programme joué sans pause intrigue puis convainc rapidement d'Arvo Pärt à Moondog, de Scarlatti à son arrangement de Si dolce è il tormento de Monteverdi, de Penderecki à l'irrésistible My Lady Carey's Dompe, une pièce anonyme élisabéthaine qu'elle ornemente de façon bien plus inventive que Rafael Puyana, qui l'avait révélée il y a soixante ans, ne l'osait sur son clavecin. Diluka y est irrésistible, par sa force de conviction incrustée dans le clavier.

Juliette Journaux
© Olivier Lalane

Comme Juliette Journaux qui aimante l'auditeur par un calme profond, un statisme voulu qui ont quelque chose d'oriental. Cela fonctionne dans sa propre transcription d'une œuvre orchestrale de Franz Schreker qui fait entendre une filiation avec Wagner mais aussi un soupçon scriabinien par ci, un autre français ailleurs. Cela réussit un peu moins à Vers la Flamme de Scriabine et à la « Marche au supplice » de la Symphonie fantastique de Berlioz transcrite par Liszt, mais les trois œuvres ensemble forment un tout dont la grandeur et l'atticisme font opiner du chef et applaudir d'autant que l'oreille affûtée de la pianiste lui fait tenir ses sons jusqu'au bout et chanter avec un legato parfait.

Vincent Mussat dans Les Tierces alternées et Feux d'artifice de Debussy associe ensuite l'élégance, la finesse dans la conduite des phrasés au mystère d'atmosphères jamais sollicitées, mais recréées de l'intérieur. Il est très fort, ce jeune pianiste au répertoire déjà long comme le bras – d'un atèle dont il a la souplesse et le costume noir. Quand il aborde Dancing Lillies, la deuxième des études pour piano de Fabien Touchard, on est immédiatement sous le charme d'une musique bien d'aujourd'hui, référentielle à la musique française, mais d'une liberté poétique, d'une imagination sonore qui charment l'oreille et l'esprit.

Vincent Mussat
© Thomas O’Brien

Ce jeune compositeur aime vraiment le piano, sait être d'aujourd'hui et « faire du neuf avec du vieux » selon le joli mot d'Yves Nat. Et l'on restera abasourdi par The Celestial Railroad de Charles Ives, une pièce rarissime qui n'est plus éditée et que Mussat a reçu dans sa version originelle, d'un pianiste de Seattle qui la possède. Cette œuvre fantastique ne pas fait entendre les paysages vus à travers les vitres d'un train, mais les musiques des régions qu'il traverse, du choral luthérien à la musique de saloon endiablée et jusqu'au bruit de la machine à vapeur et des roues sur les rails. Prodigieuse musique revigorante, jouée par un jeune grand maître du piano bien de son temps lui aussi par une ouverture d'esprit et une technique accomplie qui en font un digne émule du jeune vétéran Bertrand Chamayou.

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“Sur le papier, on se dit pourquoi pas et à la fin on exulte”
Rezensierte Veranstaltung: Maison de la Radio et de la Musique: Auditorium, Paris, am 20 September 2025
Fauré, Theme and variations in C sharp minor, Op.73
Schumann, Études symphoniques, Op.13: 5 variations posthumes
Debussy, Préludes, Bk 2 no. 12: Feux d'artifice
Touchard, Dancing lillies
Ives, The Celestial Railroad, Phantasy for Piano
Schreker, Die Gezeichneten: prelude
Skrjabin, Vers la flamme, Op.72
Berlioz, Symphonie fantastique: March to the Scaffold (arr. F. Liszt)
Scarlatti, Keyboard Sonata in E major, K380
Scarlatti, Keyboard Sonata in F minor K466, L118
Scarlatti, Keyboard Sonata in C major, K159
Pärt, Für Alina
Eccles, The Mad Lover: Ground
Berio, Six Encores for piano: Wasserklavier
Palestrina, Panus Angelicus
Cage, Dream
Monteverdi, Si dolce è'l tormento, SV332
Hardin (aka Moondog), Bam Dance
Penderecki, Aria dans le style ancien
Händel, Suite de pièce in G major, Vol 2 no. 2 (aka "Chaconne in G major"), HWV 435
Liszt, Années de pèlerinage, Troisième année: Les jeux d'eaux à la villa d'Este, S 163 no. 4
Ravel, La Valse
Éric Le Sage, Klavier
Shani Diluka, Klavier
François Dumont, Klavier
Juliette Journaux, Klavier
Vincent Mussat, Klavier
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