C'est au Quintette à cordes du Sinfonia Varsovia que revient l'honneur de refermer le premier week-end des soixantième Fêtes musicales en Touraine organisées à la Grange de Meslay au cours desquelles a été baptisé un nouveau rosier : « Sviatoslav Richter le pianiste libre » est un bel arbuste créé par Jean-Lin Lebrun des pépinières Mela Rosa. Richter aurait aimé cette rose au parfum capiteux.
Les musiciens entrent donc sur scène pour jouer le Quintette op. 28 n° 4 de Luigi Boccherini. Sonorité d'ensemble, ronde et chaleureuse, jeu fondu laissant surgir de belles individualités... et pourtant au bout d'un mouvement on s'ennuie un peu de tant de calme beauté, de joliesse, d'amabilités. La faute au compositeur peut-être, dont les cent dix quintettes à cordes ne sont pas aussi passionnants que les fameux op. 25 n° 5 et 6 ou bien sûr que l'op. 30 n° 6 « La Musica notturna delle strade di Madrid », mais aussi à une esthétique d'interprétation qui fait l'impasse sur l'apport des musiciens baroques. Tout ceci gagnerait à un peu de délestage : joué plus incisif, plus alerte, moins rondouillard, ce quintette serait plus captivant.
Même cause, mêmes effets dans les deux concertos de Chopin où ils accompagnent Marie-Ange Nguci. D'ailleurs est-ce une bonne pratique ? L'idée reçue, répétée à l'envi, affirme que l'orchestration des concertos de Chopin est médiocre. C'est une erreur, car le compositeur a fait de l'orchestre un grand soutien harmonique au piano qui chante dessus de façon continue. Et il faut un chef qui sache accompagner le soliste comme on accompagne un chanteur à l'opéra. Les musiciens du Quintette du Sinfonia Varsovia jouent très bien, mais un chef manque ! Leur allure n'est pas assez décidée et paradoxalement ils jouent un peu lourd face à un piano qui mange tout cru les cinq cordes, bien que la pianiste jamais ne les écrase.
La contrebasse semble comme souvent trainer derrière, ce qui n'est pas le cas, mais c'est l'impression qu'elle donne en alourdissant le flux musical. C'est aussi un problème de mariage entre instruments : il faudrait sortir un grand Érard cordes parallèles avec un tel instrumentarium. Surexposée donc et pas aussi à l'aise qu'attendu, car elle est une musicienne et une pianiste de premier plan, une forte en thème hypersensible, Marie-Ange Nguci fait des petites et plus grandes fautes dans le premier des deux concertos dont elle ne réussit pas à faire décoller le finale si dansant, un peu trop attirée vers la terre par un accompagnement qui ne la porte pas. Le Concerto en fa mineur lui va mieux et elle y chante avec finesse et une belle allure, mais là encore le finale manque de sveltesse.