Formé au Conservatoire Giuseppe Verdi de Milan, Alfonso Caiani débute en 1994 comme Maestro du chœur d’enfants Voci Bianche du célèbre Teatro alla Scala, avant de devenir chef du chœur de la même institution en 2003. Depuis 2009, il officie désormais au chœur et à la maîtrise du Théâtre du Capitole. Alfonso Caiani collabore régulièrement avec d’autres institutions, et notamment le chœur de Radio France.
Qu’est-ce qui vous a amené vers la direction de chœur ?
Alfonso Caiani : C'est tout d’abord mon amour pour l’opéra, que j'écoute depuis mes 13-14 ans, mon père étant un grand passionné du genre lyrique. Et puis, j'ai une grande passion pour les chœurs ; depuis le collège, j’ai toujours chanté dans des chœurs polyphoniques. Enfin, c’est le hasard : lors de mes études au Conservatoire de Milan, j'ai rencontré le chef de chœur de la Scala qui avait alors besoin d’un assistant. J’étais jeune, j’ai accepté tout de suite. Parti de là, je suis entré dans ce tourbillon.
Donc à la fois un intérêt et une opportunité ?
A. C. : L’intérêt oui, parce que la passion de la musique est là depuis toujours. L’amour de la musique et de la voix.
Etiez-vous déjà venu à Toulouse avant votre prise de fonction en 2009 ?
A. C. : Je ne connaissais pas cette ville, mais j’ai répondu à l’appel de Frédéric Chambert. Jusque là, j’avais fait beaucoup de freelance : à Radio France, à Milan... Mais jamais je n’avais été permanent comme chef de chœur dans un théâtre.
Pourquoi ?
A. C. : Par refus de m’enfermer dans une routine. Quand on est jeune, on préfère bouger. C’était sans doute la crainte d’un manque de liberté. C’est un choix personnel, humain, plus qu’un choix professionnel. Et cela m’a réussi, puisque j’entame à Toulouse ma huitième saison. Tout va bien, le rapport avec le Théâtre et la ville est toujours aussi agréable.
Il y a eu une petite évolution sous votre direction : la création de la maîtrise. Pourquoi une telle création ?
A. C. : A la Scala, je travaillais souvent avec des chœurs d’enfants, mais à Toulouse, il n’y en avait pas. J’ai proposé à Frédéric Chambert de monter une maîtrise avec des enfants qu’on sélectionnerait suite à une audition. Je me suis rendu compte dès la première répétition que c’était quelque chose qui m’avait manqué, mais sans le savoir. La création du son et la pédagogie du chant sont des aspects à propos desquels je suis particulièrement enthousiaste.
En effet, vous intervenez auprès d’un jeune public au tout début de sa formation. Travaillez-vous de la même manière avec une maîtrise et un chœur d’adultes ?
A. C. : La technique vocale qu’on enseigne aux enfants, la respiration, la position de la voix, les résonateurs, la position des voyelles, l’émission... tout cela est identique. Si l’instrument présente des différences, la base de la technique vocale est similaire. La différence tient au fait qu’avec un chœur d’adultes, on parle très peu de technique. Ce sont des professionnels avec leur parcours d’étude et ma tâche est de chercher à homogénéiser les techniques, la couleur, l’émission et surtout la justesse. Tandis qu’avec la maîtrise, il s’agit vraiment de former la technique. C'est un travail plus approfondi du point de vue de la voix, ce qui me plaît beaucoup.
Lorsque vous montez un opéra, comment vous coordonnez-vous avec l’orchestre, les chefs invités et les chanteurs ?
A. C. : Il y a un travail de base commun à toute production : le langage, la recherche de la justesse, la couleur. Si l'on s’adapte évidemment au style de l’époque, aux volontés du chef et aux exigences du répertoire, la façon de travailler est spécifique à chaque chœur et à chaque chef de chœur. Quand un chef d’orchestre invité arrive, il trouve un instrument préparé, capable d'indépendance sur scène. La plupart du travail est effectué par le chef de chœur en répétition ; c'est sur cette base que le chef invité construit son interprétation. Pour le baroque, c’est un peu différent, car il faut parler du style.
Voyez-vous des différences entre les publics français et italien ?
A. C. : Le public du Capitole est un public mélomane, très chaleureux, montrant beaucoup d'enthousiasme au salut. Le public est quelque-chose de spécifique à chaque théâtre, à chaque ville — du moins historiquement. Parme, par exemple, a longtemps été un passage redouté par les ténors, parce que le public y était particulièrement exigeant — la ville est proche de Busseto, où Verdi est né. C'est un peu pareil à la Scala, en raison de sa tradition plus bourgeoise. Avec le temps cependant, et surtout depuis les années 70, la différence entre les publics s’est sûrement nivelée, en raison de la globalisation de la scène lyrique elle-même — les mêmes chanteurs et metteurs en scène se retrouvant en Italie, en Allemagne, en France… Certes les chanteurs ont toujours voyagé, mais les moyens de communication sont aussi à prendre en compte : la télé, l’internet, ont formé un goût un peu plus homogène. Du moins, c’est mon opinion. Le mélodrame est européen maintenant.