Le programme annonçait « Radu Lupu et Beethoven, une soirée rare, riche en émotion ». Et la soirée l'a été, certainement moins pour ce qu’elle proclamait que par le grand écart qu’elle a imposé au public genevois.
L’affiche couronnait d’avance Radu Lupu mais c'est le chef israëlien Lahav Shani qui a impressionné le plus. Quant à la biographie de ce jeune prodige, signalons simplement qu’il a obtenu un premier prix au Concours Gustav Mahler de Bamberg à 24 ans, qu’à 29 il a repris les rennes du Philarmonique de Rotterdam, et qu’à 31 il succèdera à Zubin Mehta à la tête du Philarmonique d’Israël. D’entrée de jeu on ne peut que constater une direction pléthorique, généreuse, à la limite de la saturation des indications. Mais l’énergie et le talent sont là et les années viendront épurer cette jeunesse éruptive.
Le programme débute par le Quatrième Concerto de Beethoven qui charme par sa forme assez classique, réservant néanmoins de beaux emportements romantiques, en particulier dans le mouvement lent qui impressionne par son atmosphère nostalgique et au bord du gouffre.Le jeune Maestro Lahav Shani va offrir un bel écrin orchestral au piano de Radu Lupu. La flûte de Sara Rumer et le basson d’Afonso Venturieri s’accordent à merveille, même si on note un hautbois quelque peu effacé. Le chef soigne les lignes, tempère les timbres, lime un peu les angles avec, pour résultat, un Beethoven qu’on pourra qualifier de sage.
Mais si la mayonnaise semble peu ferme, c’est certainement que le pianiste auréole son discours d’un sfumato diffus : les lignes sont souples, les phrasés ductiles, mais tout cela manque de caractère. Bien sûr, une apparition de Radu Lupu, c’est convoquer une myriade de souvenirs, de gravures célèbres de la maison Decca, notamment des Schubert, et souligner la belle sonorité qui le caractérise avec un contrôle assidu des équilibres entre main droite et main gauche. Ces qualités restent perceptibles, mais peu à peu une gêne s’installe : comme il est difficile de voir un être aimé en difficulté. Nonobstant quelques dérapages, on reste interdit devant un tel flottement.