L’an passé, les Sommets Musicaux de Gstaad vivaient une mémorable « semaine du violon » où s’affrontaient et s’enrichissaient huit des plus prometteurs musiciens de la jeune génération. Cet hiver, Renaud Capuçon, le directeur artistique, mène au feu une troupe de jeunes violoncellistes enthousiastes, riche en talents qui éclosent : Anastasia Kobekina, Julia Hagen, Bruno Philippe, Aurélien Pascal… Menés par le doyen des jeunes, Daniel Müller-Schott, et encadrés par de glorieux aînés, voici un réseau de perches tendues qui devraient porter leur fruit et faire le bonheur des festivaliers.
Pas de vacances pour l’inépuisable Renaud Capuçon, plus entreprenant que jamais. En ce début d’hiver 2017, on l’aperçoit déjà en train de négocier les saisons prochaines. « Là, j’étais avec David Stern, on parlait de programmes éventuels pour 2020 et 2021 » nous confie le violoniste au sortir d’un petit-déjeuner d’affaires. L’avance ? À n’en point douter une nécessité, quand on ne souhaite pas de concession à son programme. Pour l’heure, la dix-huitième édition des Sommets Musicaux de Gstaad fera, comme d’ordinaire, se côtoyer des personnalités diverses. « C’est mon rôle de directeur artistique de réunir des musiciens d’horizons très différents, de proposer au public un bouquet extrêmement varié d’artistes : des jeunes que l’on connaît encore peu mais dont on parlera très vite, des grandes stars comme Radu Lupu ou Nelson Freire, et des musiciens de ma génération comme Nicholas Angelich. » Avec sa petite équipe, le festival n’a pas pour objectif de verser dans le gigantisme. Ici, la qualité prend le pas sur le chiffre. On essaye de voir les choses sous un angle nouveau, notamment en mariant les générations. Renaud Capuçon est d’ailleurs le premier à se prononcer en faveur de cette approche. « Il n’y a pas d’âge pour faire de la musique, et l’on apprend tous l’un de l’autre. Il faut savoir profiter de l’expérience d’un musicien plus aguerri, de la fraîcheur, du culot et de l’énergie d’un jeune. C’est de ces mélanges que naît la richesse. Un phénomène de lassitude peut apparaître quand on s’enferme dans sa propre tranche d’âge. Là encore, il s’agit de casser la routine, quitte à chambouler les usages établis ! »
On s’en serait douté, le violoniste émérite a déjà une longue expérience dans le domaine de la programmation. C’est à 19 ans qu’il organise son premier festival. « Ça s’est fait malgré moi, je n’avais pas formellement l’intention de créer un festival. Je revenais de Berlin et j’ai rencontré des amis à Chambéry qui possédaient une salle de concert de 130 places. De fil en aiguille, on a commencé à s’y réunir pour faire de la musique. À l’époque on était seulement six musiciens, peu à peu, les choses ont évolué, c’est devenu un festival avec une dizaine de concerts, un public qui venait de partout et des musiciens prestigieux. » Une expérience qui ne sera certainement pas de trop pour Renaud Capuçon, qui se voit désormais confier à Gstaad la charge d’orchestrer les festivités et d’accueillir tout ce beau monde. C’est qu’aux Sommets Musicaux, on s’inquiète du confort de l’invité, on veille à ses aises. « Quand on a l’habitude d’être sur scène, on sait très bien ce dont un musicien n’a pas envie quand il arrive dans un festival. On sait qu’il aime être accueilli chaleureusement, se sentir entouré, mais sans tomber dans l’excès. C’est pourquoi, je donne toujours beaucoup de conseils aux équipes qui sont sur place. Avoir un festival, ce n’est pas seulement accumuler des têtes d’affiche, c’est aussi savoir les accueillir, c’est être souple par rapport à leurs demandes, et en même temps ferme sur certains principes ». Être à la fois directeur artistique et musicien, des deux côtés du miroir, est également essentiel dans la phase de choix des invités : ici, le casting ne se fonde pas sur le renom, c’est plutôt une histoire d’expérience personnelle. « Aux Sommets Musicaux, la programmation a la particularité d’être profondément organique ; je ne programme que des œuvres que je connais, voire que j’ai déjà jouées, le plus souvent avec des musiciens que j’ai déjà côtoyés sur scène. »
Comme d’ordinaire, la musique contemporaine n’est pas en reste. Après Toshio Hosokawa l’an passé, Renaud Capuçon jette son dévolu sur Benjamin Attahir : « c’est un jeune compositeur de moins de 30 ans que j’ai entendu pour la première fois en 2016. La découverte a été pour moi un choc. Son langage est instantanément reconnaissable, ce qui est rare pour un compositeur aussi jeune. C’est une musique d’une grande puissance qui vous pénètre instantanément, que vous adoptez, qui rentre dans votre système organique. On est à la frontière d’un langage très moderne, c’est l’un des derniers disciples de Boulez, et en même temps un imaginaire exceptionnel, influencé par l’Orient. Je suis très heureux qu’il soit là. » En partie grâce à lui, les jeunes musiciens en résidence travailleront la musique de leur temps. En ligne de mire, Après l’ineffable, pièce pour violoncelle et piano commandée par le festival directement auprès du compositeur. « Benjamin va travailler tous les jours avec les jeunes. La même pièce va être jouée 8 fois de suite, et la meilleure interprétation gagnera le prix André Hoffmann. »