Pour sa dernière apparition de la saison à la tête de l'ONCT, Tugan Sokhiev amenait le public de la Halle aux Grains dans l'introspection verdienne. Pour cette Messa da requiem, aux effectifs dignes de l'opéra, l'orchestre était rejoint par l'Orfeón Donostiarra, chœur amené par José Antonio Sainz Alfaro. Habitué à collaborer de longue date et régulièrement avec l'ONCT, l'ensemble basque espagnol était évidemment également rejoint par un quatuor vocal de solistes.
Le premier mouvement Introït montre toutes les capacités du chœur qui livre à Tugan Sokhiev un instrument parfaitement préparé et réglé. Le premier mot à peine chuchotté et audible du Requiem est lâché par le chœur sous la délicate direction du maestro, les mains libres de toute baguette. Très progressivement, il amène les musiciens vers le Te decet hymnus. Articulant avec l'ensemble les syllabes latines et millimétrant ses gestes doigtés, il porte l'ensemble vers des fortissimo déjà extrêmes. La messe des morts prend aux tripes. Le Kyrie est brillant et tonnant, avec ses harmonies lumineuses et son mode majeur. Il consacre aussi l'entrée des solistes, bien que ces derniers soient partiellement couverts par l'orchestre. Vient la sequentia et ses neuf numéros. La première présentation du fameux thème du Dies Irae puissamment donné par l'orchestre et le chœur montre à lui seul la portée de l’œuvre, qui se veut être bien plus qu'une simple pièce religieuse. Avec une mise en scène légère, les trompettes répondent aux cors depuis les galeries à l'étage, au milieu du public. Sur le Mors stupebit, la basse Vitalij Kowaljow montre un peu plus de puissance, avec une voix très cuivrée et caverneuse. La mezzo-soprano Anna Kiknadze accentue elle l'effet dramatique avec un texte presque parlé, soupirant avec l'orchestre et le chœur. On retourne à un certain lyrisme romantique avec le duo soprane / mezzo sur le Quid sum miser soutenu par de beaux chromatismes au basson solo. Toutes les interventions du ténor Saimir Pirgu sont puissantes avec une voix très sèche mais portante. Il est particulièrement remarquable dans son dialogue avec le hautbois dans l'Ingemisco. Le Lacrimosa est presque dansant même si l'harmonie musicale fait ressortir les regrets du pécheur. Aux frétillements des doigts du chef, l'orchestre frémit en conséquence, réglé comme une belle horloge.