Considéré comme l’un des plus brillants chefs français, Pierre Bleuse a fondé, à Toulouse, la Musika Orchestra Academy, école européenne des métiers de l’orchestre. La session 2016 s’achèvera sur un concert de fin de stage le 23 octobre prochain. Ce projet ambitieux et d’excellence est animé d’une volonté forte de changement autour du rôle de la jeunesse, de l’idée de transmission, de décloisonnement du monde musical classique mais aussi de partenariats renforcés avec les entreprises et le secteur privé. Entretien autour de cette démarche pédagogique innovante.
Pourquoi un tel projet pédagogique ?
P. B. : Tout est très compartimenté, avec les interprètes d’un côté, les professeurs de l’autre. De mon côté j’ai toujours voulu transmettre, ce qui pour moi est très naturelle.
Vous avez été membre de l’ONCT en tant que violoniste mais est-ce qu’il y a une autre raison pour le fait que vous ayez voulu fonder ce projet à Toulouse ?
On a la possibilité à Toulouse de faire un projet d’envergure internationale. Au Conservatoire, qui est l’un des meilleurs en France, il y a un vivier de jeunes musiciens vraiment extraordinaire avec d’excellents professeurs et musiciens. Il y a également un pôle d’enseignement supérieur, l’ISDAT, avec lequel on a donc développé un partenariat (ainsi qu’avec le pôle supérieur de Bordeaux). Evidemment, il y a aussi l’Orchestre du Capitole, actuellement l’un des plus grands orchestres français. Il me semblait donc y avoir toute la chaîne nécessaire pour créer un projet de cette envergure, l’un des aspects essentiels étant l’insertion professionnelle autour des métiers de l’orchestre : musiciens, métiers du son, régisseurs, la production.
Vos stagiaires sont issus surtout de France ou également de l’étranger ?
Il y a plusieurs pays représentés : l’Iran, le Brésil, la Pologne, la Suisse, l’Espagne, .... L’idée est que ce projet soit soit rattaché à l’Orchestre du Capitole, mais qu’il ait un vrai rayonnement, avec des musiciens d’un peu partout. L’important, c’est de partager.
C’est un projet qui se veut pérenne, qui va évoluer en termes de financements, mais qui va rester sous cette forme a priori ?
Tout à fait. Il y aura toujours ce socle d’une grosse session par année, attachée au Capitole, mais on espère qu’un premier orchestre qui se détachera de façon professionnelle. L’idée est encore une fois celle de l’insertion.
Les jeunes sont encadrés par des solistes issus de l’ONCT, n’est-ce pas ?
Oui. Les solistes de l’Orchestre du Capitole viennent pendant deux jours avec nous à Gramat, le lieu de résidence, pour travailler avec les jeunes, les rencontrer, partager leur expérience, et puis travailler dans le détail chaque partition, et chaque pupitre. Pour moi c’était important de créer ce moment privilégié.
Le lieu de Gramat participe à cet état d’esprit que vous voulez mettre en place ?
Le lieu est magnifique avec un grand parc. On aborde des sessions très intenses, on travaille beaucoup et c’est toujours un challenge. On propose un programme très ambitieux. Avec un orchestre et des jeunes qui ne se connaissent pas en arrivant, il faut apprendre à trouver un son, une cohésion, et puis à monter ce répertoire. On vit un moment fort de partage autour de grandes œuvres, pendant une semaine, et c’est toujours assez génial.
Le projet montre un désir de développer des partenariats avec les acteurs privés et l’entreprise ?
En fait c’est quelque chose qu’on avait déjà avec Benjamin Teillard, cofondateur de Musika, et auquel moi je crois beaucoup à plusieurs niveaux. D’abord je pense que les jeunes doivent apprendre aujourd’hui à voir les choses un peu différemment qu’il y a quelques années. Embarquer les entreprises, les sensibiliser au futur des jeunes, à l’insertion professionnelle autour de la musique, c’est quelque chose qui peut être très fort dans les deux sens. Ce n’est pas du mécénat classique mais vraiment du partenariat. Je me souviens, lors de mes études au Conservatoire Supérieur à Paris, puis à Berlin, les jeunes attendent un peu dans la vie. Ils finissent leurs études. Et puis ? Il n’y a qu’un infime pourcentage qui aura la chance de faire une carrière de soliste. D’autres rentreront dans les orchestres, mais ça devient très difficile. Je pense qu’il faut commencer par apprendre qu’il est nécessaire d’être actifs, c’est ça qui ouvre des portes. On essaye vraiment qu’il y ait des rencontres avec les partenaires, avec des concerts dans l’entreprise, avec des petits groupes de musique de chambre, des jeunes qui vont aller rencontrer les gens. On veut vraiment que les gens se mélangent.