Produit par Les Grandes Voix, le concert du 10 mai s'inscrivait dans le cycle Shakespeare proposé cette saison par l'Orchestre National de France au Théâtre des Champs-Élysées. Il faisait écho notamment aux représentations de Macbeth de Verdi données par le même Daniele Gatti entre le 4 et le 16 mai. L'agréable ouverture de Béatrice et Bénédict de Berlioz (qui fait référence à la pièce de Shakespeare Beaucoup de bruit pour rien) et les suites de Roméo et Juliette de Prokofiev étaient les œuvres de référence pour cette programmation.
Les Quatre derniers lieder étaient donnés pour permettre au public parisien, et accessoirement à la communauté russe venue en masse au TCE, d'admirer le talent d'Anna Netrebko, une des plus grands chanteuses lyriques actuelles. Ce cycle de lieder composé en 1948 fait partie des toutes dernières œuvres composées par Richard Strauss avant son décès l'année suivante. Les poèmes d'Herman Hesse et de Joseph von Eichendorff y constituent une réflexion philosophique autour de la Mort. Déployée au sein d'un écrin orchestral aux teintes à la fois riches et diaphanes, la voix semble l'apprivoiser progressivement jusqu'à une douce résignation.
Les amateurs de lyrique n'ont pas été déçus : dès Frühling, la soprano russe a déployé toute la richesse de son timbre, ainsi qu'une ligne de chant portée par un souffle apparemment inépuisable. Force est de reconnaître en effet que Netrebko semble se jouer des difficultés vocales de la partition et sa voix opulente triomphe sans aucun problème de l'effectif orchestral imposant réuni par Strauss. Cependant on regrette dans les deux premiers lieder un chant un peu trop souvent uniformément forte, le chef laissant l'orchestre exprimer librement l'intensité de ces pages rayonnantes (magnifique solo de cor de Vincent Léonard dans September). Dans Beim Schlafengehen la soprano, peut-être plus à l'aise, retrouve néanmoins de magnifiques piani et Daniele Gatti sait alors parer ce chant des couleurs du crépuscule. On apprécie en particulier l'ambiance délicate d'Im Abendrot même si la phrase finale suspendue « Ist dies etwa der Tod ? » n'est pas auréolée du mystère qu'on attend.