Avec la soirée Bel/Millepied/Robbins, le Ballet de l'Opéra de Paris présente une création de Jérôme Bel, Tombe ainsi que deux œuvres néoclassiques : La Nuit s'achève (2016) de Benjamin Millepied et Goldberg Variations (1971) de Jerome Robbins.
Si les programmes mixtes, de plus en plus nombreux à l’Opéra, permettent de mettre en perspective différents points de vue, il faut encore que les œuvres trouvent à se répondre. Tombe, qui remet en question les canons du ballet en conviant en scène des amateurs, semble ainsi un curieux préambule à un spectacle néoclassique célébrant le corps glorieux du danseur en justaucorps et pointes. Le propos subversif de Jérôme Bel ne trouve pas d’écho dans la suite du programme et reste une lame de fond bien vaine, voire illisible, eu égard à l’académisme très premier degré qui s’ensuit. Une série de coups de cœur mis naïvement bout à bout aurait-elle supplanté une réflexion artistique plus globale pour la composition de cette soirée?
Le spectacle comporte du reste de brillants moments, magnifiquement interprétés par les pianistes Alain Planès et Simone Dinnerstein et des danseurs tels que Myriam Ould-Braham, Mathias Heymann, Muriel Zusperreguy ou encore Amandine Albisson.
Pour sa seconde collaboration avec l’Opéra de Paris, Jérôme Bel invite trois danseurs à partager la scène avec une personne avec laquelle ils n’auraient jamais imaginé pouvoir le faire. Dans le décor inhabité de la tombe de Giselle, le danseur Grégory Gaillard présente l’Opéra Garnier à Henda Traore, caissière. Ils laissent place à un touchant pas de deux entre Sébastien Bertaud, dans le rôle d’Albrecht et Sandra Escudé, amputée en fauteuil roulant, dans celui de Giselle. Enfin, une vidéo illustre la répétition du pas de deux de Benjamin Pech, danseur étoile, et Sylviane Milley, 84 ans, spectatrice fidèle de l’institution depuis plus de soixante ans. Comme toujours, la création de Jérôme Bel est motivée par un engagement social qui interroge les codes mêmes du spectacle et de la danse, en désacralisant la scène et les corps qu’elle montre. L’expérience est sans aucun doute émouvante pour le spectateur, quoiqu’une gêne puisse persister : y a-t-il de la condescendance dans notre attendrissement ?