2017 aura été l’année de la propreté à l’Opéra de Lyon. Après l’excellente mise en scène de Jeanne au Bûcher par Romeo Castellucci en février, qui montrait la crise de folie d’un factotum de collège, l’année s’achève sur une Cendrillon en technicienne de surface non moins efficace, dessinée par Stefan Herheim et dirigée par Stefano Montanari. La première de ce vendredi n’a vraiment pas manqué de feu !
Poussant avec énervement son petit chariot bleu (qui, immanquablement, se transformera en carrosse), cette Cenerentola n’a plus rien de sa nature douce que semblait encore indiquer son prénom Angelina dans la version rossinienne. Ses pieds sentent le fromage, son déodorant, c’est le vinaire blanc, et son caractère rebelle se heurte non sans plaisir à celui de ses deux demi-sœurs (le mezzo Katherine Aitken en Tisbé et le soprano Clara Meloni en Clorinda sont un double régal de méchanceté). Michèle Losier dans le rôle-titre est un autre mezzo accompli, formant un trio d’enfer avec les deux précédents rôles (tout en se préservant un peu dans les scènes collectives du premier acte). Ses très beaux harmoniques graves sont exposés dans la canzone récurrente « Una volta c’era un re » tout au long de l’opéra, mais son grand air final donne aussi l’ultime preuve, s’il en fallait, d’aigus puissants et d’une maîtrise exquise du bel canto et de ses redoutables ornementations, que les tempi corsés du chef rendent très exigeants.
Pas de faille dans la distribution vocale par ailleurs : Renato Girolami campe un Don Magnifico bedonnant et parfaitement égoïste, intéressé, injuste ; ce baryton-basse expressif et équilibré est très adapté au comique que doit susciter ce personnage de basse bouffe, qui revendique le blason significatif d’un âne ailé. Simone Alberghini en Alidoro, mentor du prince déjà expérimenté, est dans le livret de Jacopo Ferretti l’équivalent de la bonne fée de Charles Perrault ; autre baryton-basse, il possède un grain de voix très naturel et agréable. Reste le superbe duo du valet et du prince, qui confère au melodrammo giocoso son particulier comique: c’est en effet déguisé en subalterne que le charmant prince observe les filles de Don Magnifico, pour décider de celle qu’il élèvera à la dignité aristocratique, tandis que le libidineux Dandini tient le rôle de souverain. Pour ce dernier, Nikolay Borchev est un choix très judicieux : le jeune Biélorusse donne le change quant à la crédibilité de cette mascarade exubérante, son beau baryton nourri en impose techniquement et par son expressivité. Très étonnante est d’ailleurs la comparaison avec le ténor très léger de Cyrille Dubois dans sa prise de rôle de Don Ramiro. Doté d’un magnifique timbre de ténor très léger et volubile – qui ferait pâlir de jalousie maint évangéliste d’oratorio –, il incarne par sa finesse (qui n’empêche pas des aigus d’une vraie aspiration héroïque) un lyrisme que la mise en scène annihile pourtant à tout bout de champ, et c’est cette cruauté même qui est parfaitement cohérente.