Après une longue absence des scènes parisiennes, le Nederlands Dans Theater est de retour au Théâtre de Chaillot pour nous présenter l’un des spectacles les plus subtils et bouleversants de la saison 2013 – 2014, toutes salles confondues. A travers les créations de quatre chorégraphes-clé de son histoire, le Nederlands Dans Theater nous offre une représentation harmonieuse et poétique et nous entraîne dans un voyage intime autour d’un thème – celui de la solitude de l’homme – traité avec une rare délicatesse.
Le Nederlands Dans Theater, du fait d’une inscription dans la tradition de la danse récente et de collaborations fréquentes avec des chorégraphes contemporains, est aujourd’hui l’une des troupes contemporaines les plus talentueuses et créatives en Europe. Les chorégraphes qui l’ont dirigée, et en particulier l’immense Jiří Kylián, en ont fait un trésor inépuisable d’énergie et de sensibilité ; et ont gravé dans son histoire une pratique du mouvement souple et sensible. Ce langage se caractérise de plus par un rapport très particulier au public, avec des œuvres à la fois touchantes et esthétiques (voir les emblématiques Bella Figura ou Petite Mort de Jiří Kylián) qui cherchent à guider le public dans une démarche réflexive et n’en restent pas à des recherches intérieures sur le mouvement, balbutiements sans suite qui, trop souvent en contemporain, étonnent sans toucher le spectateur. Le public est au contraire ici le sujet d’une attention raffinée, comme en témoignent les nombreux jeux visuels et la recherche certaine de plaisir esthétique.
Les différents tableaux compris au programme s’inscrivent dans un ensemble cohérent et gravitent autour du sujet de l’homme désemparé face au silence du monde. A travers des compositions portant sur le souvenir de la mère, sur l’idée abstraite de l’impact de l’individu dans le groupe, ou encore sur la solitude d’hommes et de femmes enfermés chez eux, le Nederlands Dans Theater nous fait plonger dans l’univers intérieur du secret et du refoulé. Au-delà de cette atmosphère commune, les trois œuvres partagent aussi un langage corporel proche – avec un véritable sens de la fluidité et une sensibilité toute particulière au rapport entres les corps. On retrouve enfin une convergence dans la scénographie et les procédés utilisés (utilisation mouvante de l’espace, minimalisme soigné de décors, utilisation de la caméra).
L’œuvre de Jiří Kylián, Mémoires d’oubliettes, s’axe autour de la réminiscence de la mère dont la présence n’est que suggérée à travers la violence de l’abandon, mais également par un rapport ambigu des corps les uns aux autres et la gestuelle éloquente (retour à l’animalité, positions fœtales, traitement de l’image vidéo proche de l’échographie). Mémoires d’oubliettes, dont le titre contient les anagrammes des mots « mère », « oubli », et « mort » matérialise l’homme accablé par la mémoire douloureuse du lien maternel.