Le Nouvel An lyonnais s’annonce festif à l’Auditorium, orné pour l’occasion d’un très long rideau doré en fond de scène et de pas moins de huit lustres qui trônent au-dessus de l’Orchestre national de Lyon. L’heure, la décoration, la belle mise en lumière et surtout le programme pétillant appellent paillettes et champagne – en dépit des effluves de vin chaud, qu’on sert traditionnellement à l’Auditorium pour les tournants d’année.
Mais à bien regarder la composition détaillée, on se prend à y percevoir un appétissant Wiener Melange, spécialité viennoise qui mêle au café classique du lait chaud et sa mousse. Aux valses de Johann Strauss Fils – très attendues en cette année 2025 qui marque le 200e anniversaire de sa naissance – s’associent en effet d’autres danses, dont une de son frère Josef, deux de Johannes Brahms, mais aussi deux bijoux du célèbre violoniste Fritz Kreisler – dont nous célébrons en 2025 le 150e anniversaire, quant à lui. Ce mélange s’incarne aussi sur le plateau : les instrumentistes de l’ONL sont dirigés pour l’événement par Rainer Honeck, violoniste autrichien et l’un des quatre Konzertmeister des Wiener Philharmoniker, qui se mue aussi en violon solo à l’occasion, dirigeant alors l'orchestre de son archet.
L’ouverture de La Chauve-Souris fait une entrée en matière classique, tout en étant emblématique de la soirée dans son exécution : légère et élégante, animé du swing à la viennoise qui, dans les valses, décale si délicieusement les temps de la mesure à trois. Et des valses, il y en a. Les Accelerationen, dédiées lors de leur création aux étudiants viennois en technologie et ingénierie, font retentir dans leur introduction les machines lourdes, tandis que la volatilité est bien dégagée des Frühlingsstimmen, pièce-phare de tout Nouvel An qui se respecte, où Rainer Honeck, à force de demander de la légèreté aux instrumentistes tout en sautillant, paraît vouloir s’envoler lui-même.
Les cinq valses successives des Geschichten aus dem Wienerwald débutent en toute bonne logique par une belle mise en vedette des bois, suivie de pépiements d’oiseau à la flûte solo. Magnifique moment, le violon de Rainer Honeck, chatoyant et vibrant, dialogue avec les instruments solistes de l’ONL, dont notamment, en deuxième voix complice, le violon de Jennifer Gilbert. Liebesleid et Liebesfreud, valses antagonistes issues du cycle Alt-Wiener Tanzweisen de Fritz Kreisler, jouées seulement en petite formation de cordes, permettent au public de mieux apprécier encore les qualités de soliste du Konzertmeister : le « Chagrin d’amour » s’exprime sous son archet avec une profonde mélancolie, mais jubile dans le « Plaisir d'amour ».