À la Biennale de quatuors à cordes de la Philharmonie de Paris, il y a les jeunes premiers et les monstres sacrés : le Quatuor Jérusalem fait incontestablement partie de la seconde catégorie. Et si la bonhomie des quatuor et sextuor d'Antonín Dvořák, compositeur à l’honneur de cette édition, n’est peut-être pas ce qui sied le mieux à leur jeu toujours exalté, leur interprétation n’en demeure pas moins passionnante !
Le concert s’ouvre sur un monument du répertoire pour quatuor : le Quatuor n° 12, « Américain ». Ce soir, l’œuvre n’a guère les allures de musique folklorique ou d’airs de gospel qu’on lui prête parfois, car la lecture des Jérusalem met avant tout en avant son exubérance : le jeu des quatre musiciens est d’une brillance absolument homogène – même les pizzicati du violoncelle sont extrêmement sonores ! L’Allegro ma non troppo est mené tambour battant, avec une sorte d’impatience, un vibrato emporté et des attaques nerveuses. Même dans les passages les plus doux, les rythmes sont serrés au maximum – au point qu'on aimerait parfois un peu plus de simplicité, dans le chant du premier violon par exemple, toujours raffiné.
Le Lento est tout aussi à fleur de peau : le thème plaintif du violoncelle est ici très vibré, le son plus tendu que contemplatif. Les quatre musiciens rivalisent d'ingéniosité pour proposer de vrais contrastes, avec des reprises de thème en demi-teinte, sur la touche, parachevées par de délicats ritenuto. Les deux derniers mouvements sont plus légers : les dialogues joueurs du Molto vivace ont un piquant incomparable ; les rythmes du finale sont incroyablement dansants, là aussi grâce au mordant des attaques et à la capacité d’impulsion des pizzicati du violoncelle. Qu’il s’agisse des accompagnements ou des contrechants secondaires, les Jérusalem ne reculent devant aucun soufflet, artifice d’archet ou changement de nuance pour donner du relief. Ils en font des tonnes, mais ils le font si bien !