L'année et demie écoulée est sans doute à mettre aux oubliettes pour de nombreuses institutions lyriques qui ont vu une grande partie de leur programmation amputée par la situation sanitaire. À Toulouse, malgré une tentative de rentrée en demi-jauge avec Pénélope, bien vite la chape de plomb est retombée, ne permettant une réouverture qu'en avril avec un seul mot d'ordre pour le Théâtre du Capitole : s'adapter, s'adapter sans cesse (cf. La Force du destin). Elektra clôturait donc l'année lyrique, dans une nouvelle production signée Michel Fau (mise en scène) et Hernan Penuela (scénographie). Toujours sous contraintes, l'enthousiasme de tous semblait tout de même attendu, d'autant plus que l’œuvre de Richard Strauss est bien connue pour son explosibilité. Remerciant toutes les équipes techniques et musicales du Théâtre avant la dernière représentation, le directeur Christophe Ghristi ne manque pas de le souligner d'une petite litote annonciatrice : « ça ne va pas être calme ! » Nous voilà donc prévenus...
À la direction de l'Orchestre du Capitole, Frank Beermann a la baguette enthousiaste, précise, mais surtout puissante. Le public en a pour ses oreilles, même si les fortissimos ne sont jamais forcés et toujours dans l'accompagnement de l'action et des climax des affects. Dans le rôle-titre, Ricarda Merbeth incarne pour le mieux et pour le pire la folie qui se développe dans son personnage, tant dans la gestuelle que dans l'amplitude des nuances et des intervalles mélodiques. Au contraire, Johanna Rusanen (Chrysothémis, « une femme qui veut un destin de femme ») peine dans le medium mais rayonne brillamment dans les aigus.
C'est sans doute Violeta Urmana (Clytemnestre) qui s'exprime le mieux, illustrant à merveille par la gestuelle la culpabilité qu'elle semble vouloir ignorer par la parole. Frank van Aken (Égisthe), dont l'intervention est très modeste, axe surtout ses interventions sur le jeu théâtral de l'amant gauche et froussard. Enfin, Matthias Goerne (Oreste) est plus statique pour mieux illustrer sa force sereine contrastant avec la folie grandissante d'Elektra, le tout soutenu par l'orchestre. Son personnage continuera sa vie malgré le matricide et « beau-parricide » alors que sa sœur tombe morte.