En lieu et place des traditionnels Offenbach, Strauss II ou Lehár, c’est à une double soirée lyrique que le public montpelliérain est convié en ce mois de décembre. Deux opéras fantastiques et féeriques sont à l'affiche : la rarissime Hirondelle inattendue de Simon Laks et L'Enfant et les Sortilèges de Maurice Ravel.
Distribution commune et surtout même équipe de mise en scène pour les deux ouvrages permettent d’établir un joli trait d’union entre ces deux partitions.
En ouverture de soirée, c’est donc Simon Laks et son Hirondelle inattendue que le public est amené à découvrir. L’unique opéra du compositeur nous plonge dans le « paradis des animaux célèbres » où se côtoient, pour exemple, la Colombe de l’arche de Noé, le Serpent de l’Eden, les Rats de l’Opéra ou encore la Truite de Schubert. Certains de leur notoriété et de leur importance ces animaux vivent dans une sorte de royaume très clivant et contrôlent strictement l’accès à leur paradis. Un journaliste en miscsion dans l’espace, ainsi que son pilote, s’égarent par erreur sur cette planète et sont invités par les animaux à assister au « Conseil » qui doit bientôt se réunir pour savoir si « L’hirondelle du faubourg » peut entrer dans le paradis. L’hirondelle n’est pas un animal comme les autres mais une chanson populaire (très connue à l’époque du compositeur). A travers cette idée, Laks opère une très intéressante confrontation entre les tenants de la musique populaire, représentés par la chanson, et les tenants de l’académisme, représentés par les animaux.
Pour souligner cette confrontation centrale dans la partition, la mise en scène de Sandra Pocceschi évite la représentation pittoresque des animaux. Elle distingue trois groupes de personnages. D’un côté le pilote et le journaliste vêtus d’une combinaison de cosmonaute, l’Hirondelle à l’allure misérable et enfin les animaux. Ces derniers sont tous vêtus d’un justaucorps noir complété par un maquillage du visage également noir et enfin d’une cape de velours rouge, d’un col d’hermine ainsi que d’une couronne. Exit donc les couleurs et les plumes des animaux, tous sont traités à l’identique. Ce parti pris de mise en scène a véritablement le mérite de souligner la vanité des animaux célèbres, de montrer leur attachement à leur organisation, à leur couronne qu’ils n’hésitent pas à brandir pour rappeler à l’hirondelle l’importance qu’ils ont. L’hirondelle apparaît encore plus seule et démunie face à cette horde toute de rouge vêtue. En guise de décor, c’est une grande structure en forme de proue de navire de laquelle les animaux sortent sur un fond de projection de la planète Terre. Une vision sombre, intelligente et efficace de ce paradis qui évite à juste titre le kitsch et le premier degré.
Dans L’Enfant et les sortilèges, Sandra Pocceschi choisit de personnifier les meubles, plantes et animaux. Tous ont une apparence humaine. Les costumes gris mais également les murs qui rétrécissent au maximum l’espace scénique, donnent à voir une maison comme engluée et paralysée par le poids des années. L’ensemble de la proposition est également très esthétique complété par de belles lumières et une juste direction d’acteur. Peut-être se pose la question de la compréhension dans la mesure où le spectateur n’est pas toujours en mesure de savoir qui est qui sur le plateau. Les projections de mots ne convainquent pas vraiment de leur pertinence caril s’agit de calembours pas toujours très clairs à interpréter. Ici aussi l’univers présenté est sombre. Le combat de l’enfant face à toutes ces personnes n’apparaît que plus saisissant.