Le premier week-end du festival d’Ambronay 2015 s’est terminé par un très beau concert : celui de l’Ensemble Correspondances. On pouvait se douter en amont de la qualité de ce moment. Depuis plusieurs années, les éloges pleuvent à chaque apparition de l’ensemble en public, éloges unanimes des mélomanes et de la presse qui se pérennisent sous forme de récompenses à chaque parution d’un nouvel album. Dimanche 13 septembre, les musiciens réunis autour de Sébastien Daucé ont choisi de faire entendre les grands motets d’Henry Du Mont, compositeur contemporain de la première partie du règne de Louis XIV. Le résultat était à la hauteur de nos espérances. Une technique irréprochable au service de la musicalité la plus pure, voilà la marque de fabrique incontestable de l'Ensemble Correspondances.
Au XVIIe siècle, le motet est un genre vocal sacré dont l’importance est essentielle à la cour du roi Louis XIV : les messes quotidiennes comportent toutes au minimum trois motets. On distingue petit et grand motet, le grand motet ayant un caractère plus solennel et des proportions plus importantes. Seuls des grands motets d’Henry du Mont (1610-1684) sont présentés dans le programme conçu par Correspondances ; c’est en effet un compositeur au style particulièrement riche, inventif en termes de formes et de procédés musicaux. Henry du Mont systématise notamment l’emploi de la basse continue, élément caractéristique de la transition entre contrepoint polyphonique et système harmonique fondé sur la notion d’accord (de verticalité). Par ailleurs, les pièces d’Henry du Mont sont reconnaissables à leur mélancolie inhérente, induisant une expressivité bien particulière que d’aucuns ont rapproché de la tonalité affective des compositions de Schubert.
La première œuvre donnée, Memorare, est représentative de ces différents éléments ; il s’agit d’une prière à la Vierge, d’une imploration plaintive et cependant animée par l’espérance. Le chœur, d’un effectif assez mince (onze choristes), parvient à obtenir sans peine un son d’une superbe rondeur charnue, non pas lisse mais plutôt vivant, coloré grâce à la superposition de voix engagées, toutes incarnées de façon très personnelle dans le respect de la partition. La musique de Du Mont semble émaner des âmes des chanteurs tant ils vivent sa musique avec gravité – une gravité qui appelle pas moins la tristesse que le recueillement. Guidés par Sébastien Daucé, les instrumentistes jouent dans le même état d’esprit, avec une cohésion qui leur est habituelle mais est toujours aussi frappante de naturel.
Le latin, prononcé à la française (v et u lus comme ceux du français moderne), est parfaitement compréhensible, ce qui permet au public de suivre le contenu des différents motets en les découvrant au fur et à mesure. Le programme a été conçu de telle sorte à faire alterner motets chantés par des voix solistes (effectifs d’une à quatre voix) et chantés par le chœur. Aussi bien quand ce sont des voix de femmes (O Praecelsum) que d’hommes (Jesu dulcedo cordium), l’équilibre entre les lignes mélodiques se crée note à note, à partir de l’agencement soigné des intervalles. La beauté de cette musique réside dans sa sobriété, laquelle est respectée par l’interprétation très douce et très sereine de l'Ensemble Correspondances. Ainsi, le questionnement religieux ou l’imploration peuvent jaillir avec force, portés par la musique de Du Mont. Un sentiment d’infini dont est représentatif le motet O Mysterium, qui donne l’impression d’être hors du temps.