Revenir sur chacun des airs de Claudio Monteverdi pour une seule voix auxquels ce concert était consacré n'éclairerait sans doute pas vraiment la prestation proposée par Mariana Florès lors de ce récital au festival de Froville (Lorraine). En effet, toutes les pièces ont apporté la même preuve, sans cesse renouvelée, des qualités de la soprano d'origine argentine : raffinement, épuration des formes ont modelé son expression tant musicale que corporelle. La résonance et la puissance du son, la netteté de l'articulation sont saisissantes. Pour le plus grand plaisir du public qui a su témoigner d'une réelle jubilation.
Atteignant un niveau comparable en qualité, les instrumentistes qui l'entouraient, ont ajouté à l'accompagnement du programme vocal de magnifiques interludes. Membres de La Cappella Mediterranea, ils étaient placés sous la conduite de leur chef, Leonardo García Alarcón, également organiste et claveciniste, insufflant dynamisme esprit de rigueur et cohésion à l'ensemble. Le jeu parfait et inspiré de ces musiciens, leur art de l'accompagnement, mériteraient certainement une critique spécifique.
Le Pianto della Madonna, version religieuse du Lamento d'Ariane et pièce conclusive du recueil Selva morale e spirituale de Monteverdi, a constitué l'une des plus éloquentes illustrations du talent de Mariana Florès. Dans cette représentation de la Vierge au pied de la croix, s'exprimait de manière profondément dramatique, bouleversante pour toute conscience religieuse ou non, la douleur immense et mystérieuse d'une femme touchée au plus intime d'elle-même. Un savant jeu de nuances expressives soulignait le sens du texte : le chant se coulait successivement, sans aucune solution de continuité, dans diverses figures contrastées du sentiment de malheur : déréliction, lamentation déchirante, supplication. La voix que nous avons entendue sonnait clair et fort, projetant généreusement dans le lieu la sonorité d'un timbre homogène tout au service de l'émotion. Ainsi largement dispensée de vibrato, cette voix pouvait ornementer la mélodie sans nuire pour autant à la netteté de la diction.