Sérénade oubliée, la Seine en fête de Vivaldi (La Senna Festeggiante, RV 694) a fait un retour en France cette semaine, plus précisément à Rouen. La Chapelle Corneille a redécouvert cette œuvre peu donnée grâce à l’ensemble B'Rock – Baroque Orchestra Gent et ses trois solistes vocaux. Leur dynamisme dansant s’affronte aux difficultés acoustiques du lieu, ainsi qu’aux aspérités d’une œuvre encomiastique dont le contexte de représentation originel reste inconnu.
De quoi s’agit-il au juste dans cette mise en musique d’un livret de Domenico Lalli ? La Seine s’enchante à l’idée que Vertu et Âge d’Or sont prêts à se réinstaller sur ses bords, voilà le propos allégorique, à mettre en relation avec la fin de la Régence et l’avènement du jeune Louis XV, en 1723. Sur ce fonds de louange du souverain idéal, B’Rock jette des paillettes musicales, des étincelles produites par les croches et doubles filées dans des tempi très ambitieux.
L’œuvre, entre le micro-opéra et la cantate, s’ouvre sur une symphonie qui fait entendre le jaillissement des sources avec de beaux contrastes dynamiques. Ensuite, ce sont les solistes qui se placent au centre de l’attention. On apprécie ces voix formées, puissantes, qui font du par cœur en solo, duo ou trio, toujours solidement appuyées sur l’orchestre dirigé par Rodolfo Richter, violoniste inspiré et entraînant, vainqueur du concours Vivaldi en 2001.
Mais ce lieu est compliqué, on le sait. La mirifique sphère qui flotte sous la coupole, métallique et lumineuse, est installée depuis la restauration de la somptueuse chapelle baroque du Lycée Corneille de Rouen, séculaire, pour limiter la dispersion sonore vers le haut et les côtés. L’acoustique s’est améliorée depuis l’apparition de cette trouvaille savamment conçue, certes, mais la difficulté est loin d’être complètement appréhendée. Aussi, bien que les solistes se trouvent devant l’orchestre – mais à la même hauteur que les cordes et les vents –, l’équilibre reste précaire et surtout, depuis le milieu de la Chapelle, une distance acoustique persistante sépare les chanteurs et le public, rendant difficile l’immersion totale dans le spectacle.