Triomphe à la Maison de la radio : Krzysztof Urbański est ovationné tant par le public que par l’Orchestre Philharmonique de Radio France qui refuse de se lever, laissant le maestro profiter seul des projecteurs de l’auditorium. C’est mérité : sous sa baguette, la formation maison vient de livrer une remarquable interprétation de la Symphonie n° 4 de Tchaïkovski. Depuis la tendresse impalpable des thèmes les plus doux jusqu’à l'attaque fracassante du finale, toute la palette des émotions a été rendue avec justesse, servie par des solistes excellents (l’élégant basson de Jean-François Duquesnoy en tête) et des pupitres d’une belle cohésion (superbes violoncelles).
Faite d’une gestuelle quasi exclusivement évocatrice qui abandonne régulièrement la mesure, la direction si particulière d'Urbański fonctionne parfaitement avec l’orchestre qui accepte de prendre le tempo à son compte. Guidés par les mimiques parfois caricaturales du maestro, les musiciens évoluent avec souplesse dans la douceur de la canzona ou dans le foisonnement comique du scherzo. S’il y a parfois quelques scories que le chef aurait pu éviter, on les oublie bien vite tant le discours est fluide et éloquent.
Si le pari Urbański est réussi, ce n’est pas ce que l’on retiendra de la soirée. Le grand événement du jour était en première partie la création française de la Symphonie n° 12 « Lodger » de Philip Glass. Sept ans après une Symphonie n° 10 dont le souffle avait emporté les musiciens de l’Orchestre Français des Jeunes comme les spectateurs du Grand Théâtre de Provence, la dernière née du compositeur américain était attendue de pied ferme. Ajoutez ce soir un hommage à David Bowie (la symphonie reprend le texte – mais aucune musique – de l’album Lodger) et la voix libre et ardente de la chanteuse béninoise Angélique Kidjo : tout était fait pour susciter l’impatience des fans de Glass comme des simples curieux, bien au-delà du cercle de la musique dite « savante ».
La déception sera à la hauteur des attentes. Le maître américain emploie certes ses ingrédients fétiches : arpèges tournoyants, séquences répétant un même chemin harmonique, formules rythmiques faisant la part belle aux contretemps, abondantes superpositions de métriques binaires et ternaires... Mais, à quelques rares exceptions près (très belle fin d'« African Night Flight »), on ne retrouve pas cette science de la progression qui structure habituellement ses ouvrages. Sans fil conducteur, sans véritable contraste dans leurs atmosphères, les sept pièces de « Lodger » paraissent bien longues, plombées par un langage harmonique étonnamment lourd (les notes ajoutées apportent plus de confusion que de richesse) et des effets d'orchestration inutilement pompeux (orgue, cuivres, lignes de basses épaisses).