Après Die Gezeichneten (Les Stigmatisés) en 2015, l'Opéra de Lyon continue de remettre le compositeur Franz Schreker à l'affiche, avec un somptueux Irrelohe (Feu follet). L'œuvre présente de nombreux points communs avec l'intrigue d'Il Trovatore de Verdi : un drame est survenu 30 ans plus tôt, Peter apprend qu'il s'agit du viol de sa mère Lola par le Comte d'Irrelohe, il est donc le demi-frère de l'actuel Comte Heinrich. Les deux jeunes gens sont amoureux de la belle Eva, qui marque sa préférence pour Heinrich. Les deux hommes se battent, Heinrich tue Peter pendant que le château brûle, et le couple Eva – Heinrich part vers un avenir plus serein.
Habitué de l'Opéra de Lyon (déjà à la réalisation pour Die Gezeichneten), David Bösch monte une formidable nouvelle production. Celle-ci s'appuie, pendant les interludes musicaux, sur les vidéos de Falko Herold, à la façon de vieux films en noir et blanc, entre cinéma muet avec sous-titres et séquences d'épouvante dans la lignée de Nosferatu ou M le maudit. La scénographie, également conçue par Falko Herold, restitue l'atmosphère mystérieuse et menaçante de l'œuvre : aux premier et troisième actes, Lola et son fils Peter tiennent une épicerie vintage en contrebas d’une colline aux troncs calcinés, l'inquiétante silhouette du château surplombant l'ensemble qui baigne dans la brume. Pendant l'acte central qui se déroule en majorité à l'intérieur du château, le Comte Heinrich reçoit en peignoir dans une serre en très mauvais état où les plantes se fanent tristement. C'est aussi le cas des habitants fantomatiques de cette bâtisse, vêtus de blanc, au teint blafard et yeux cernés de noir.
Le metteur en scène modifie la conclusion du livret. Avant l'embrasement final du château et de toute la crête de montagne en fond de plateau, Eva se jette sur le corps sans vie de Peter et l'embrasse, nous laissant comprendre que c'est lui qu'elle aimait. Elle ne supporte pas sa perte et se suicide, tandis que Heinrich décède également – de chagrin, de douleur, de folie ? Toujours est-il qu'avec ces trois décès, cette version d'Irrelohe se rapproche d'autant plus d'Il Trovatore.