Le Ballet de l'Opéra de Paris ouvre la nouvelle saison en célébrant la chorégraphie cinquantenaire, expression du plus pur style balanchinien, dans une interprétation virtuose et pleine d’esprit.
Si Jewels, l'œuvre phare de Balanchine n’est entrée au répertoire dans sa version complète qu’en 2000, prenant alors le nom de Joyaux, ses variations avaient souvent été dansées par le Ballet de l’Opéra de Paris. Joyaux est une chorégraphie particulièrement intéressante à découvrir car elle semble la parfaite synthèse du travail du chorégraphe russe, devenu si structurant dans l’histoire de la danse. Tous les ingrédients typiques du néoclassicisme de Balanchine s’y retrouvent : le geste libéré mais technique, l’abstraction scénique, l’absence de narration, un certain goût pour l’élégance voire le clinquant (présent dans de nombreuses œuvres telles que Palais de Cristal) qui a souvent inspiré des mises en scène étincelantes, écrin dans lequel s’épanouit la danseuse, sujet véritable de la plupart des œuvres de Balanchine.
Joyaux est la mise en parallèle de trois tableaux : Emeraudes, qui symbolise l’école de danse française, sa rigueur mais aussi son lyrisme, magnifiquement soutenu par la musique de Gabriel Fauré, Rubis, qui présente l’école américaine et les influences du music-hall, sur la partition rythmique d’Igor Stravinsky et Diamants, l’apothéose ultime à la gloire de l’école russe, sur une symphonie de Tchaïkovski. Joyaux est ainsi un triptyque qui raconte l’histoire de la danse classique, exalte le talent de trois danseuses-muses de Balanchine : Violette Verdy (Emeraudes), Patricia McBride (Rubis) et Suzanne Farrell (Diamants), et coïncide aussi avec le parcours personnel du chorégraphe russe dont le succès fut principalement international : né sur les scènes françaises puis rencontré aux Etats-Unis.
Le premier tableau, Emeraudes, est probablement le plus marquant de la soirée. Dorothée Gilbert et Myriam Ould-Braham portent au pinacle l’héritage chorégraphique français, en proposant de très spirituelles interprétations. Dorothée Gilbert, en particulier, montre une facilité et une élégance dans des variations d’une grande technicité, qui force l’admiration. Myriam Ould-Braham, plus intérieure, semble flotter sur une scène qu’elle traverse sur pointes tel un personnage romantique.