Donné pour la première fois en 2008 à l’Opéra de Montpellier, le King Arthur de Purcell revisité par Corinne et Gilles Benizio (alias Shirley et Dino) et Hervé Niquet à la tête du Concert Spirituel a, depuis, été repris de nombreuses fois. C'est avec bonheur que nous avons retrouvé cette production fantasque et drolatique à l’Opéra Royal de Versailles.
Cette magnifique salle, conçue pour accueillir les joyaux lyriques de l’époque du Roi Soleil, offrait à ce spectacle complètement loufoque un sublime écrin en parfait décalage avec l’aspect « toc » – voulu par les metteurs en scène – des costumes et des décors. En effet, se revendiquant des Monty Python, le duo de la compagnie Achille Tonique n’a pas lésiné sur les effets saugrenus pour servir sa conception abracadabrante de l’œuvre de Purcell : décor « antique » en carton-pâte, cordes grossières pour évoquer les lianes de la forêt, soldats en uniformes sommairement cousus et affublés de postiches tout droit sortis d’un magasin de farces et attrapes… En outre, c’est à un véritable défilé de personnages hauts en couleur que le public a pu assister tout au long de la pièce : chevaliers indisciplinés, prêtres défroqués, elfes, hippies, infirmières, skieurs et même le père Noël ainsi qu’un ours polaire et des pingouins ! Pour couronner le tout, cette équipe bigarrée était dirigée par un régisseur-en-chef-aspirant-chanteur maladroit et visiblement peu au fait des contraintes d’une réalisation scénique, interprété par un Dino drôle et touchant à la fois.
Les chanteurs, également, se sont révélés d’excellents acteurs. Le ténor Mathias Vidal et le baryton-basse Marc Labonnette ont incarné à la perfection les deux prêtres, joyeux compagnons de route et conseillers du roi Arthur. Leur duo comique, particulièrement convainquant, était servit par une élocution précise et une alliance homogène de leurs timbres de voix mais aussi de leur gestuelle. L’autre duo vocal de la soirée, non pas complice et masculin mais féminin et adverse cette fois, était incarné par la belle voix ronde et claire de Chantal Santon-Jeffery (soprano) et celle, puissante et virtuose, de Bénédicte Tauran (soprano). Cette dernière a par ailleurs pu montrer plusieurs facettes de son talent en interprétant tantôt un rôle de séductrice, tantôt une elfe de la forêt au timbre délicieusement grinçant (« Hither this way » dans le deuxième acte). João Fernandes, quant à lui, était irrésistible en roi Arthur fêtard et simplet. Malgré l’aspect grotesque de son personnage, c’est par sa voix de basse dense et profonde qu’il a su imposer une aura d’autorité à la salle et achever de séduire le public présent.