L’Opéra de Baugé est né d’un pari un peu fou : celui de créer, en Maine-et-Loire, un festival dans la lignée de celui de Glyndebourne, dans le Sussex. Champêtre, propice à d’élégants pique-niques à l’entracte, joyeux et tous publics, le festival n’en est pas moins exigeant et porté par une vraie passion pour le genre. Il s’agit donc d’y monter chaque été des opéras enthousiasmants, sur un temps limité – une semaine de répétitions pour trois productions, du jamais vu ! – et d’y mélanger jeunes instrumentistes et solistes, et voix plus confirmées. A cette conjugaison de talents et cet investissement sans retenue des interprètes s’ajoute une mise en scène économe mais diablement efficace : Bernadette Grimett, directrice artistique aux commandes d’à peu près tout y déploie une ingéniosité réjouissante, une direction d’acteurs plus que convaincante et ce qu’il faut d’humour pour passer outre la simplicité et la symbolique des décors et des costumes sans pour autant les désamorcer.
Si l’ouverture donne à voir les adieux de Bérénice et Titus, laissés ailleurs hors champ, le premier acte semble lui aussi souffrir, sinon de la disparition de l’être aimé, de petites disparités dans sa texture. Du désir évident de Konstantinos Diminakis de marquer l’expressivité du trait au détriment des finitions, et de s’assurer de la solidité du tout, résulte parfois une absence d’alchimie entre les interprètes et la fosse. Elspeth Wilkes a beau assurer un continuo solide, le tableau d’ensemble manque de liant, malgré les échanges élégants et visiblement très travaillés des couples. Annio (Elsa Giannoulidou) et Servilia (Clara Fournillier) sont notamment une jolie surprise. La Vitellia de Justine Viani, robuste, piquante, jamais caricaturale, nous gratifie de beaux échanges avec le Sesto de l’imposante Monika-Evelin Liiv - « Come ti piace imponi, imponi » laisse le public en haleine. On découvre ici des voix décidément à suivre.