Invité à Paris pour les fêtes de fin d'année, le Ballet de l’Opéra National d’Ukraine, basé à Kiev, poursuit ainsi son partenariat avec le Théâtre des Champs-Élysées où il s’est déjà produit plusieurs fois depuis 2018. Au programme : La Reine des neiges, un ballet narratif sur des musiques de Grieg, Massenet, Offenbach, Strauss et Berlioz, chorégraphié en 2015 par Aniko Rekhviashvili d'après le conte d’Andersen.
Très bien structuré par des tableaux aux atmosphères différentes, allant d’un mariage idyllique d’un prince et d’une princesse à une horde de guerriers cosaques enragés qui enlèvent la pauvre Gerda, le ballet nous emmène dans l’aventure de la jeune fille qui recherche son ami Kay, touché à l’œil par un éclat de verre du miroir maléfique de la glaciale reine des neiges. Dans le rôle de l'héroïne, la danseuse étoile Tetiana Lozova mène le ballet avec charisme, manie l’expression de ses sentiments avec beaucoup de justesse, et toujours avec une technique irréprochable. Son partenaire Iaroslav Tkachuk (Kay) est tout aussi impressionnant, bondissant et virtuose, et nous fait voir toute la palette d’émotions de son personnage, d’abord joyeux puis empreint d’une terrible noirceur.
Les décors sont représentés par des toiles de fond qui ancrent le récit, au village des jeunes protagonistes ou au pays de la reine des neiges. L’utilisation ponctuelle de la vidéo permet d’ajouter de la neige, ou les éclats du miroir maléfique qui contamine le jeune Kay.
Le récit simple et au fond très manichéen est l’occasion de conjuguer des chorégraphies variées : danses joyeuses au village ou esthétique torturée des diablotins, disciples cornus et hargneux de la maléfique reine des neiges. Bras anguleux, jambes tendues, Irina Borysova (la reine des neiges) interprète des mouvements secs et rigides à l’image de son cœur de glace. On regrette simplement sa première apparition, coupée en partie par le décor du miroir gigantesque qui cache malheureusement ses jambes alors qu’elle semble évoluer sur pointes. Ses autres moments en scène sont plus marquants et Irina Borysova sait être parfaitement impériale et autoritaire.
Les moments les plus réussis du ballet sont sans nul doute les pas de deux. Les duos harmonieux de Tetiana Lozova et Iaroslav Tkachuk sont réalisés à la perfection avec fluidité et expressivité. D’un point de vue chorégraphique, tous les pas de deux sont particulièrement remarquables : le prince et la princesse sont majestueux et tournoient joliment lors de la scène du mariage ; la corneille et le corbeau, qui guident Gerda lors de sa quête, ont des duos enjoués et dynamiques. Les portés sont excellents – on admirera en particulier le porté final de Tkachuk qui soulève Lozova à une main.
Les danses de groupe sont un peu plus hétérogènes. La chorégraphie des fleurs est inégale : la première partie manque de fluidité et se montre étonnamment rigide. En revanche la troupe de guerriers qui saute en criant, suivant sa meneuse, est incroyable et donne à voir une énergie fabuleuse. Et dans un tout autre registre, le corps de ballet des flocons, en tutus blancs, dans le Palais de la reine des neiges est aérien, solennel et très pur. Le corps de ballet est davantage mis en valeur dans le deuxième acte alors qu’il est bien plus anecdotique dans le premier.
En osmose avec les fêtes de fin d’année, et l’avenue Montaigne illuminée pour l’occasion, les scènes au village de Gerda et Kay sont chaleureuses et festives. L’enthousiasme de Gerda et des villageois est contagieuse et les mouvements enjoués. Distribution de bretzels géants devant des petites maisons colorées, danses de groupe de jeunes filles enveloppées dans des capelines : la magie de Noël est bien là. Pour conquérir et rassurer les familles présentes dans le public, l’histoire se finit très bien : Gerda retrouve Kay. Au début distant et froid, il se laisse vite aller à la joie des retrouvailles et à son bon côté. Le duo de leurs retrouvailles est particulièrement émouvant et rappelle le temps passé au début du spectacle dans l’insouciance avant l’irruption du mal, non sans faire écho à l’Ukraine d’avant-guerre…
Ce spectacle a été coorganisé par les Productions Internationales Albert Sarfati et le Théâtre des Champs-Élysées.
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