Ni la proximité des Champs-Élysées, où déferleront bientôt les hordes de supporters enthousiastes, ni la demi-finale de la Coupe du monde de football n’ont dissuadé le public d’assister au théâtre de l’avenue Montaigne à l’unique représentation parisienne de la production de Lakmé proposée en version de concert par l’Opéra de Monte-Carlo.
L'opéra de Delibes est à la mode cet automne : après avoir fait l’ouverture de la saison de l’Opéra royal de Wallonie à Liège avec Jodie Devos dans le rôle-titre, Lakmé a créé l’événement fin septembre à l’Opéra Comique ; Monte-Carlo boucle – provisoirement – la boucle. La quasi simultanéité de ces propositions nous vaut de retrouver des interprètes d’une ville à l’autre : après Liège, on revoit les deux Belges Lionel Lhote et Pierre Doyen, respectivement en Nilakantha et Frederick. Et après l’Opéra Comique, on retrouve Sabine Devieilhe en tête d’affiche de l’équipe monégasque. C’est sans aucun doute pour elle que sont accourus ce soir les habitués de la série « Les Grandes Voix ».
Il faut bien avouer que la version de concert n’est pas la plus adaptée à un ouvrage qui requiert la scène, les décors, les ambiances, la restitution d’un exotisme recherché. Celui qui ne connaît que l’« Air des clochettes » ou le « Duo des fleurs » ne peut être que désorienté par un premier acte où les protagonistes entrent et sortent en robe longue et queue-de-pie au gré des airs qu’ils ont à chanter, sans qu’on comprenne grand-chose à ce qui est censé se passer dans et autour d’un temple hindou, dans une forêt touffue, au lever du jour. À chacun de faire fonctionner son imagination.
Apparaît d’abord Nikalantha, le prêtre brahmane, père de la jeune Hindoue Lakmé, auquel le bronze du baryton de Lionel Lhote confère plus de tendresse que de noirceur (à l’exception d’un cruel « Vengeance » lancé à la fin de l’acte I). La blonde et longue silhouette de Lakmé, toute de blanc vêtue, hypnotise ensuite la salle avec sa prière à la « blanche Dourga » : on sait que Sabine Devieilhe va enchanter – le mot est faible – tous ceux qui n’avaient pas eu la chance de l’entendre à l’Opéra Comique en 2014 ou dans la toute récente production de Laurent Pelly.
Puis un frémissement d’aise parcourt le public lorsque Fleur Barron (Malika) se joint à Sabine Devieilhe pour ce qui, depuis une célèbre pub de British Airways il y a une vingtaine d’années, est devenu un tube planétaire, le « Flower Duet ». Lakmé et Malika s’étant éloignées, deux officiers britanniques, Gerald (Cyrille Dubois) et Frederick (Pierre Doyen), accompagnés par les deux filles du vice-roi et leur gouvernante, s’avancent sur le devant de la scène. Coup de cœur immédiat pour les séduisantes et bien chantantes Erminie Blondel (Ellen) et Charlotte Bonnet (Rose) et pour l’incarnation caricaturale à souhait de leur gouvernante Mrs. Bentson par Svetlana Lifar.