Comment fêter la musique sans célébrer Mahler ? C’est ce que semble nous répéter cette heureuse programmation du Louvre, deux ans à peine après la mémorable première symphonie, par Paavo Järvi. On ne s’en plaindra pas ! Car c’est bien simple : on ne se souvient pas de quand on a pu entendre, depuis les enregistrements fondateurs de Bernstein, autant de précision, de justesse et de minutie dans le rendu de la trame mahlérienne. On savait l’Orchestre de Paris acclimaté à ces symphonies, et Daniel Harding particulièrement à l’aise avec la deuxième tradition viennoise. Leur interprétation de la 4ème avait déjà électrisé la Philharmonie en avril dernier, augurant ainsi de belles saisons à venir. Mais on avait peut-être déjà mal mesuré l’alchimie subtile qui naissait entre les excellents musiciens et le jeune chef anglais.
La lecture, forçant sans excès sur le bucolique, presque mozartienne dans son traitement des thèmes, d’une symphonie à l’orchestration moins conséquente – ni trombone, ni tuba – et d’un propos plus tendre qu’à l’accoutumée aura pu faire grincer quelques dents. Daniel Harding avait tout particulièrement convaincu avec son enregistrement de la 10ème Symphonie, et ce n’est pas un hasard : sa technique étourdissante, tout comme son sens aigu de la texture, ne semblent jamais mieux se porter que lorsqu’ils conjuguent l’agitation et le trouble avec une douce naïveté, accentuant les abîmes creusées par les éclats de détresse. Si l’on ne saura, finalement, si la pertinence de cette lecture a plus à voir avec le style même du nouveau directeur musical de l’Orchestre de Paris ou un réel parti pris vis-à-vis de l’œuvre, on reste curieux d’entendre à quoi ressemblera son traitement de symphonies plus « titanesques » à la saison prochaine.