À peine le public finissait-il de s'installer qu'il fut, comme par surprise, saisi par les apostrophes nerveuses des violoncelles et des contrebasses. Exécutées avec fougue et précision, les premières mesures de la Symphonie n° 2 dite « Résurrection » défient l'acoustique périlleuse de la Basilique de Saint-Denis et formulent la promesse d'un exceptionnel concert. L'enthousiasme apparent des musiciens, heureux d'accueillir Myung-whun Chung sur l'estrade – et non au pupitre ; le chef ne s'est pas embarrassé d'une partition –, se communique instantanément à un auditoire déjà captivé, au point même qu'il ne voit pas arriver dans l'assemblée un ancien Président de la République légèrement en retard : c'est que toute l'attention – et la tension – est rivée sur la baguette de Chung.
Celui-ci fait preuve de la plus radicale économie de moyens. La concision garantit l'efficacité, à condition certes d'une énergie que Chung ne relâche pas un instant. Dans cette direction millimétrée, chaque geste est lourd de conséquences : une main portée au visage fait chanter les cordes, le moindre regard au lointain intensifie l'expression des bois, alors quand le maestro se met à donner des fortissimo des deux mains... on a beaucoup à craindre pour les vitraux du XIIe siècle de l'édifice. Ces derniers n'en sont pas moins un reflet idéal de la monumentalité de l'œuvre de Mahler, dont chaque pupitre de l'Orchestre Philharmonique de Radio France est un pilier. On doit mentionner l'énergie infaillible de Ji-Yoon Park au violon solo, qui guide une armée d'archets dans le premier mouvement « Totenfeier » (Cérémonie funéraire). Les interventions solistes des bois sont unanimement appréciées mais ce sont les cuivres, auxquels il faut conjuguer le spectaculaire concours d'un riche pupitre de percussions, qui sont particulièrement mis à l'honneur.
Sibelius rapportait de Mahler ces mots : « la symphonie doit être comme un monde, elle doit tout embrasser ». Le deuxième mouvement, un « Andante moderato » aux accents pastoraux, nous en donne l'exemple, brillamment ordonné par Chung. Le chef est parfaitement à l'aise avec l'orchestre – dont il a été le directeur musical durant 15 ans – et élabore dans un temps long l'évolution de l'action musicale, nous faisant entendre chaque détail de ce monde en train de se former. L'orchestre excelle en contrastes, et les très rares imperfections d'intonation ou de mise en place sont vite oubliées, effacées au profit d'une musique rendue avec passion. Les musiciens sont les premiers à en témoigner, écoutant avec attention chaque intervention soliste de leurs confrères.