On attendait beaucoup de ce Messie, donné à la Philharmonie pour les fêtes : Douglas Boyd y dirigeait L’Orchestre de Chambre de Paris et l’excellent chœur Accentus, entouré d’un plateau soliste de haute tenue : la mezzo irlandaise Paula Murrihy, la soprano anglaise Carolyn Sampson, et ses compatriotes Matthew Rose (basse) et Allan Clayton (ténor), lesquels ont d’ailleurs gravé ensemble une version de référence du Messie (Academy of Ancient Music, Cambridge, 2009).
Douglas Boyd se distingue dès l’ouverture par des partis pris audacieux sur les nuances et les tempi. Cela surprend parfois mais se justifie toujours. Il exploite pleinement la dimension dramatique de l’écriture : le récitatif accompagné « For behold, darkness shall cover the earth » fait ainsi apparaître de façon saisissante l’obscurité biblique annoncée par la basse, par un subtil jeu sur les nuances des cordes. Ce Messie plus intime que pompeux remet le texte au premier plan. Le très attendu « Halleluyah » est ainsi attaqué piano et andante, presque murmuré par le chœur comme une nouvelle arrivant de loin, avant l’explosion de joie. Accentus est en grande forme, offrant un beau son de chœur, une diction et un phrasé raffinés, même dans les passages les plus agiles (mention spéciale au solide pupitre de sopranes qui ne fait qu’une bouchée des doubles croches du « For unto us a child is born »).
Les solistes ne sont pas en reste. Dès son premier récit accompagné, Allan Clayton est désarmant : tout est rond, lumineux et nuancé. L’émission s’est étoffée depuis 2009, sans rien perdre de son brillant. Chaque mot est délivré sur des voyelles claires et une ligne sans faille. Les vocalises d’allégresse du « Every valley » se dardent d’un aplomb de circonstance dans le véhément « Thou shalt break them » (« Tu les briseras avec une barre de fer », Psaume 2, 9).
Même s’il n’a pas le charisme de son partenaire, Matthew Rose est ici chez lui : le timbre est superbe, le souffle sans fin. Le grave sonne merveilleusement (cf. un fa grave royal dans « The people that walked »). Belle prestation de la soprane Carolyn Sampson ; son premier récitatif accompagné est une leçon de style, de même que son air « Rejoice greatly » nuancé et à l’agilité insolente. Le timbre ne perd pas sa fraîcheur dans le médium, la couleur reste bien accrochée dans le « How beautiful are the feet ».